Un espoir pour un statut des femmes encore en chantier

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Au Québec, plus qu’ailleurs au Canada, les métiers du bâtiment sont perçus comme plus traditionnellement masculins. Aussi, cette année 2015 s’ouvre-t-elle sur de nouvelles perspectives pour les femmes qui souhaitent faire leur carrière dans le domaine du bâtiment. Un nouveau Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction (PAEF) vient d’être présenté.

Ce n’est pas trop tôt, car si l’on observe les chiffres, on peut voir qu’en 2011, seulement 1,3 % des employé-e-s de l’industrie étaient des femmes au Québec, ce qui place la province au dernier rang du Canada contre par exemple 5,9 % de femmes sur les chantiers de l’Alberta. L’avis du Conseil, intitulé Une mixité en chantier – Les femmes dans les métiers de la construction, révèle qu’en plus d’être peu nombreuses, les quelques femmes qui œuvrent dans le milieu de la construction ont la vie dure.

Les femmes, pas assez de biceps ?

La sociologue Francine Burnonville, une des auteurs dont il est question dans la publication, explique que les difficultés rencontrées dans les métiers dits « non traditionnels » pour elles, sont « davantage liées aux relations interpersonnelles qu’aux tâches à accomplir. […] Se faire répéter qu’elles ne sont pas à leur place mine leur moral et les épuise psychologiquement ». Parmi les discriminations dont la gente féminine fait les frais, la force physique est le premier critère qui entre en jeu en termes de ségrégation des femmes sur le marché de la construction. Selon l’étude et le recensement réalisés par le Conseil, il s’agirait bien d’un stéréotype qui semble loin de la réalité, puisque « la majorité des travailleuses peut effectuer la plupart des tâches exigées des hommes dans un métier traditionnellement masculin ».

Comment ne pas être outré-e quand on lit de tels propos énoncés par un chef de chantier interrogé à Baie-Comeau : « Ce n’est pas qu’on n’aime pas les femmes. On les aime au contraire, mais pas sur un gros chantier comme ici, ce n’est pas leur place ! ».

« Le bâtiment est en effet un milieu d’hommes,
je n’ai travaillé qu’une seule fois avec une femme »

Justine, une jeune peintre française embauchée par une entreprise à Montréal au Québec témoigne : « Le bâtiment est en effet un milieu d’hommes, je n’ai travaillé qu’une seule fois avec une femme car l’entreprise n’embauchait que des femmes. Cependant il arrive que les hommes soient très gentils car ils ne sont pas souvent confrontés aux femmes et trouvent cela courageux. De manière générale, l’ambiance a toujours été bonne, j’ai évidement droit a à certaines blagues de « garçons » mais auxquelles je me suis habituée ».

S’agit-il de garder un territoire jusqu’alors réservé à une certaine virilité machiste ? Ceci semble d’autant plus paradoxal que dans cette affaire, le milieu des chantiers peut difficilement se passer de main-d’œuvre, car, bien qu’il s’agisse d’un secteur économique qui continue de se développer, les recruteurs peinent à y retenir les travailleuses et travailleurs.

Inégalités de progression de carrière

L’avis constate également qu’il est plus difficile pour les femmes d’atteindre le statut de « compagnon », à cause de discriminations perpétuelles. Elles travaillent moins d’heures, et finissent donc l’année avec un salaire annuel plus bas que celui des hommes, même si le salaire horaire est fixe. Justine précise que « le statut de « compagnon » est comme une reconnaissance officielle des acquis et les femmes y ont accès aussi facilement car seulement l’expérience et les compétences sont prisent en compte ».

Alors que pensez de cette qualification par les acquis et les compétences si les femmes sont rapidement mises à l’écart et reléguées aux tâches moins pénibles ? Justine affirme que « la force physique peut [lui] poser problème car bien des fois [elle] en manque et cela [lui] créer des problèmes de dos, […]  La force physique est je pense, en général, « l’atout » mis en avant par les hommes par rapport aux femmes et est une des raisons principales du fossé qui se crée entre homme et femme dans le bâtiment. Mais si certains travaux sont très pénibles pour nous, ils le sont aussi pour les hommes. »

D’après le rapport du Conseil, 62 % des femmes quittent les chantiers après cinq années de travail pour ne plus jamais y remettre les pieds, essentiellement à cause de la discrimination dont elles sont victimes.

Vers une politique de quotas

Le Conseil souhaite que les entreprises reconnues coupables de harcèlement, de discrimination ou d’atteintes aux droits fondamentaux des travailleuses se voient révoquer leur permis pour l’obtention d’un contrat public par l’Autorité des marchés financiers. Aussi, sous la recommandation du Conseil, les entreprises qui désirent obtenir ces contrats publics devraient être tenues d’embaucher au moins 3% de femmes, soit l’équivalent de la moyenne canadienne, d’ici trois ans. Une bonne nouvelle pour ces dames qui tente de se faire une place dans ce milieu gonflé à la testostérone.

Ces nouvelles propositions pourraient donc enfin offrir un début de changement dans le secteur de la construction, mais à quel prix ? Les mœurs et les comportements vont-ils évoluer en même temps que les politiques publiques mises en place ? Reste à l’espérer, mais l’idée que les entreprises doivent se voir imposer des quotas par le gouvernement  pour qu’un plus grand nombre de femmes soient engagées ne fait que prouver que le combat qu’il reste à mener dans ce domaine ne fait que commencer.