Stérilisation : « Une femme qui décide de ne pas vouloir des enfants, c’est toujours louche »

Pourquoi des femmes demandent-elles à être stérilisées ?

Véronique Séhier : « Les raisons sont diverses. Souvent, ce sont des femmes qui ont essayé des moyens de contraception qui ne convenaient pas, elles en ont marre de la pilule, marre des galères avec la contraception. Certaines femmes sont aussi très claires sur le fait qu’elles ne veulent pas d’enfant, c’est une façon sûre de ne pas prendre de risque de grossesse. La majorité des femmes ont plus de 35 ans, mais ce ne sont pas les seules. »

Quand cette pratique de la contraception définitive a-t-elle été légalisée ?

V.S. : « La stérilisation est légale depuis la loi de 2001. Elle impose d’être majeur-e pour y recourir, ainsi qu’un délai de 4 mois de réflexion. Avant, on pratiquait la stérilisation quand même, mais elle n’était pas reconnue, pour l’autoriser il fallait que le médecin dise par exemple qu’il y avait des contre-indications concernant les autres moyens de contraception. »

Est-ce facile de trouver un médecin qui accepte de donner une contraception définitive ?

V.S. : « La reconnaissance de ce droit est difficile. On demande souvent aux femmes si elles ont bien réfléchi, si elles ne vont pas regretter leur décision, comme si elles n’étaient pas assez matures pour décider. Inversement, on ne va pas demander à une femme enceinte si elle est sûre de vouloir garder son enfant ! Si elle est jeune et n’a pas encore eu d’enfants, ce sera encore plus dur de trouver un médecin pour l’opérer. Je connais par exemple le cas d’une jeune femme, de moins de 30 ans, qui avait déjà eu 4 enfants et avait beaucoup de mal avec sa contraception. Cela a été la galère pour elle d’obtenir la stérilisation à cause de son âge. »

Crédits © Planning familial

Pourquoi la plupart des médecins sont-ils réticents à permettre aux femmes d’être stérilisées ?

V.S. : « Il y a une représentation de la femme faite pour faire des enfants, une sacralisation de la maternité. La société a du mal à concevoir une sexualité sans maternité, on veut contrôler la sexualité de la femme. Cela rejoint les débats sur l’avortement, même si la pratique est légale, cela reste illégitime pour certains médecins. Une femme qui décide de ne pas vouloir avoir des enfants, c’est toujours louche. L’aspect irréversible de la stérilisation fait que certains médecins la perçoivent comme une amputation. Beaucoup de médecins mettent une limite d’âge ou posent la condition d’avoir déjà eu un enfant. On essaie de repérer les médecins qui ne posent pas ces questions. »

Que faudrait-il faire pour obliger les médecins à respecter cette demande des patientes ?

V.S. : « Selon le Code de la santé publique, le médecin n’est pas obligé de faire un acte qu’il réprouve. Il faut renforcer la formation professionnelle des médecins et sages-femmes sur le sujet, car il peut y avoir de fausses représentations, comme de vouloir l’autorisation du mari. On retrouve aussi le même genre de réactions pour les hommes qui veulent une vasectomie. C’est de l’abus de pouvoir. Pour les hommes, ce qui se joue c’est l’amalgame entre virilité et capacité de procréation. »

Pourquoi l’une des méthodes n’a-t-elle plus été remboursée pendant un moment ?

V.S. : « Depuis la loi de 2001, la stérilisation est remboursée par la Sécurité sociale. Mais en 2010, un arrêté est sorti, indiquant que l’une des méthodes ne serait plus remboursée pour les personnes de moins de 40 ans. Il s’agissait de la méthode la moins invasive. Pour se faire stériliser, on peut choisir la ligature des trompes, ou bien la méthode plus sûre avec l’introduction par les voies naturelles de ressorts qui obstruent les trompes, introduit par voies naturelles. On a interpellé la Halde, avec l’argument que cette discrimination avait été introduite de manière arbitraire puisque la loi ne mentionnait que la condition d’être majeur-e. On a obtenu gain de cause en 2012. »

La difficulté à être stérilisée est-elle une particularité française ?

V.S. : « En France, seulement 2,5% des femmes en âge de procréer demandent cette contraception définitive. Dans certains pays européens, comme les Pays-Bas, la contraception définitive est beaucoup plus utilisée, car on en parle plus. En France, il y a 1.500 vasectomies par an pour les hommes, contre 36.000 aux Pays- Bas. En France, le sujet reste confidentiel, tabou, alors qu’aux Pays-Bas on en parle beaucoup, même si les personnes ne sont pas concernées. En connaissant ce moyen, elles peuvent y recourir quand elles le souhaitent. C’est un moyen de contraception très utilisé dans le monde, mais attention, il y a aussi des pays où elle est faite contre le gré des femmes. »

Sommaire du dossier :
Stérilisation volontaire : un sujet qui émerge
Elles ont CHOISI la stérilisation volontaire
Stérilisation des trans : le témoignage de V

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