Wikileaks publie les données personnelles de millions de femmes turques en pleine purge étatique

Les données personnelles de millions de femmes turques ont été publiées par Wikileaks le 25 juillet 2016, seulement quelques jours après la tentative de coup d’état contre le président Erdogan. C’est ce que dénonce dans une tribune, Zeynep Tufekci, une professeure sociologue turque, spécialisée dans la technologie et la censure à l’Université de la Caroline du Sud.

L’ONG journalistique de Julien Assange a rendu public dans un contexte tendu de répression contre les suspects du coup d’état plus de 300 000 e-mails, dits « Erdogan Emails ». Si le but manifeste était de dénoncer les dérives autoritaires du président turc, il apparaît selon Mme Tufekci et ses ami-e-s activistes anti-censure qu’aucune information pertinente n’ait été découverte. Après des jours de lecture, seuls des courriels personnels au sein du cercle proche du chef d’état ont été mis à jour. Ce ne sont pas des « Erdogan emails » mais plutôt des messages provenant d’un groupe virtuel sur Google, où des partisan-e-s s’échangent des vœux lors de fêtes, des demande d’aide pour un emploi, des spams et même des recettes de cuisine.

Aucune trace d’affaire de corruption à ce jour, mais des centaines de milliers de coordonnées personnelles de femmes turques ont été livrées au public. Sur le lien affiché par Wikileaks sur Twitter, n’importe quel-le internaute pouvait avoir accès aux 79 dossiers qui contenaient le numéro de téléphone et l’adresse des électrices de 79 provinces turques sur 81. Chaque dossier abritant ainsi des centaines de milliers de données personnelles. Les sympathisantes de l’AKP, le parti d’Erdogan, étaient particulièrement visées puisque  leur numéro de carte d’identité nationale a également été dévoilé sur Internet.

La voie ouverte au harcèlement

« Il n’y a aucune raison valable pour mettre en danger autant de personnes qui pourraient être victimes d’harcèlement ou bien pire », dénonce Zeynep hostile à l’AKP. Toujours critique de la politique autoritaire de l’actuel chef d’état, l’universitaire a insisté sur les risques que courent les femmes turques suite à ce dérapage virtuel : « N’importe quel  harceleur, ex-partenaire, des proches hostiles ou déséquilibré peut se servir dans les adresses publiées. Et rappelons-nous que chaque année en Turquie, des centaines de femmes sont assassinées, souvent par leur ex-mari ou ex-petit-ami, des milliers de femmes quittent leur domicile ou se cachent pour être en sécurité ».

Malgré avoir alerté Wikileaks de la faille, Zeynep a été accusée de faire l’apologie d’Erdogan, et ce, en dépit des alertes lancées par de nombreux activistes leaders contre la censure et d’avocats. Wikileaks s’est défendu sur une technicalité : l’organisation n’a pas publié les coordonnées des citoyennes turques mais a simplement posté un lien menant à la base data de ces dites coordonnées. Après la publication du billet de Zeynep, Wikileaks a retiré les dossiers contenant les données confidentielles, sans toutefois effacer le lien désormais défectueux, sans expliquer cette démarche, ni présenter ses excuses.

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