Deux femmes turques, deux destins, deux romans

La maison d’édition Belleville a publié ce printemps 2018 deux romans turcs, dans l’idée de mettre en regard deux générations de féminisme à Istanbul. Le premier raconte le parcours d’une féministe dans la Turquie des années 1950, le second le quotidien d’une femme victime de violences conjugales. Deux récits qui font réfléchir sur la place des femmes, et leurs révoltes.

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© Les Ourses à plumes

Le roman Une drôle de femme de Leylâ Erbil (publié en 1971), unique romancière à avoir été nommée pour le prix Nobel en Turquie, raconte la trajectoire d’une féministe dans la Turquie des années 1950. Avec le roman Ne tournez pas la page de Seray Şahiner, on plonge aussi dans un récit féministe, en suivant le parcours d’une femme victime de violences tout au long de sa vie.

La maison d’édition Belleville sort ces deux textes en avril 2018, pour mettre en avant « deux générations de féminisme en Turquie », deux générations d’auteures, mais aussi des générations différentes dans leurs personnages de fiction. Pourtant, les vies des deux héroïnes sont assez semblables…

Des vies emprisonnées

Nermin est une jeune femme se rêvant libre, apprentie poétesse aux idéaux socialistes, elle tente de se faire une place auprès des intellectuels, malgré leur misogynie. Enfermée dans la prison familiale, incomprise, cette révolutionnaire athée continue de courir après ses rêves d’émancipation. « Tu ne voudrais pas ressembler à ta mère et toutes ces autres femmes », se dit-elle, aspirant à un destin plus ambitieux que celui d’une femme au foyer respectant toutes les traditions et au service de son mari.

Leyla est confrontée dès l’adolescence à l’injustice d’être née femme. Aux interdits familiaux (sorties…), s’ajoute un premier viol, celui de son patron. « Il n’avait rien à expliquer ni à mon père, ni aux autres, sur les ardeurs d’un homme […] Si quelqu’un l’apprend, je serai déshonorée. » La voie du silence est choisie.

« J’ai toujours cru… qu’on te mettait de la drogue dans ton verre, qu’on t’entraînait dans une forêt, ou qu’une dizaine d’hommes te séquestrait dans une maison… Que sais-je, moi, les viols dans les films commencent toujours ainsi. »

On la marie, ensuite, de force à un homme plus âgé, alcoolique, qui la bat. « Personne ne considère le viol conjugal comme un crime. On pense que ce sont des chamailleries. » Une prison dont il lui semble impossible de se libérer.

Au-delà des drames, l’espoir

Ces deux romans, ne veulent pas être de simples tragédies, mais aussi apporter de l’espoir. Dans Une drôle de femme, l’histoire vue par la fille, la mère et le père, permet de comprendre leurs points de vue, se mettre à leur place n’est-elle pas la meilleure façon de les amener à changer leur attitude ? Est-ce possible d’être réellement indépendante du monde des hommes ? On ressort peut-être du livre avec plus de questions que de réponses…

Ne tournez pas la page, c’est un défi dès le titre. L’auteure, au fil de l’histoire, incite son lectorat à tourner la page, pour découvrir qu’une autre issue est possible. Celle de la révolte. La dernière phrase du livre invite à garder espoir, continuer la lutte : « Maintenant, vous pouvez tourner la page. »

 

 

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Journaliste, cette ourse adore écrire sur les thématiques qui lui tiennent à coeur : discriminations, santé, féminisme, luttes… De formation littéraire, c’est une droguée de lecture et d’écriture, mais aussi une militante féministe et politique à ses heures perdues (ou gagnées !). Cette ourse est une gourmande qui ne résiste jamais à un chocolat, ou à un pot de miel… Curieuse de tout, elle traîne ses pattes sur les réseaux sociaux à la recherche de la moindre info. Taquine, elle aime embêter les autres ourses. Elle est aussi connue pour ses grognements et son caractère persévérant. Elle ne lâche rien.

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