Iran : un désir de changement et un combat qui prend du temps

En Iran, les femmes travaillent, conduisent et font de plus en plus partie intégrante de la société. Le poids des traditions ainsi que de la religion, rend cependant compliqué le combat de ces Iraniennes qui tentent jour après jour d’améliorer leurs conditions de vie.

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Pour les conservateur·rices, la tenue en tchador est une question de pudeur et de respect pour le sang des martyr·e·s de la révolution. © Ourse sur la route

« Mon souhait en tant que femme, ce serait de pouvoir me balader en T-shirt, en plein printemps dans la longue et célèbre avenue Vali Asr et devant l’université de Téhéran et sentir le vent dans mes cheveux, juste une fois ! », s’exclame Massoumeh. Cette jeune femme de 27 ans n’est pas la seule à souhaiter pouvoir se libérer de ce voile obligatoire depuis l’établissement de la République Islamique.

Un sondage, début février 2018, publié par le Centre stratégique de la présidence iranienne indiquait que pour 50% des Téhéranai·se·s porter le voile ou pas devrait être un choix. Et pour pousser à une évolution de ce côté-là, une trentaine de femmes dites de l’avenue d’Enghelab ont été interpellées cet hiver 2018 pour avoir enlevé leur voile en public, jusqu’à se faire arrêter par la police. Les charges qui pèsent contre elles : « corruption morale et prostitution ». L’une d’entre elles, Nargues Hosseini, 31 ans, a été condamnée à 2 ans de prison dont 3 mois ferme. La question du voile en Iran est un des nombreux combats que mènent depuis des années les femmes iraniennes. C’est par ces luttes, que petit à petit, la société iranienne a évolué, s’est modernisée et continue encore de progresser.

« Un droit au choix et un droit d’être soi »

« Ici, ce n’est pas l’Arabie Saoudite », s’exclame une jeune femme en tchador dans le métro. « Je peux mettre un tchador, et une autre mettra autre chose ». Mais pour beaucoup, la limitation de cette « autre chose » est le nouveau combat. « Le mouvement des filles de l’avenue d’Enghelab a permis de lancer le débat dans la société, pour qu’une partie de la population prenne conscience que certaines ne veulent pas porter le voile et peut-être qu’à partir de là ils pourront leur donner raison. Mais moi, je ne donne pas le droit à la personne en face de moi de m’obliger à faire quelque chose », explique Nargues Hosseini. Un droit au choix donc, et un droit d’être soi. « Nous les Iraniennes nous nous maquillons beaucoup parce que notre visage, c’est la seule chose que nous pouvons montrer. », explique une jeune femme dans un café.

Cosmétiques et chirurgie esthétique

En République Islamique, le rapport au corps de la femme est donc paradoxal. D’un côté la religion exige de le cacher. De l’autre, les femmes tentent de le rapprocher de leur idée de la perfection. Résultat, l’Iran est le 7e plus grand marché pour les cosmétiques au monde. De nombreuses femmes – et de plus en plus d’hommes – sont adeptes de chirurgie esthétique : rhinoplastie, opération des seins, liposuccion. « Je vais me faire refaire les seins, un 85. » raconte une jeune fille de 22 ans dans le métro « et après je referais mon nez, regarde mon profil ! ». Des opérations qui semblent être devenues normales en République Islamique puisqu’on en compterait environ 40 000 chaque année.

Noora, 30 ans, est une sportive, championne de motocross dans son pays, et coach de moto pour femmes. Elle défend une féminité sans artifices : « les Iraniennes n’ont pas confiance en elles, c’est pour ça qu’elles en font des tonnes. […] Après quelques cours de moto avec moi, je vois la différence, elles enlèvent leur maquillage, elles sont moins dans l’excès ». Mais Noora a dû se battre pour pouvoir donner officiellement cours et ouvrir une branche féminine de la fédération iranienne de motocross. « Au début on me disait, tu es la seule à faire de la moto, pourquoi devrait-on ouvrir une compétition pour les femmes, c’est comme ça que j’ai commencé à former d’autres filles », raconte-t-elle.

47% des femmes font des études supérieures

Des filles comme Noora, il y en a plein. Des rêves plein les yeux et une énergie impressionnante pour y parvenir. C’est le cas aussi de Kimia Alizadeh, taekwondoïste, médaillée de bronze aux Jeux Olympiques de 2016, ou encore Newsha Tavakolian, photojournaliste membre de l’agence Magnum. Par ailleurs, selon les chiffres de 2014, 47% des femmes font des études supérieures contre 53% d’hommes (source France Diplomatie) un indicateur en constante augmentation. Malgré cela, le taux de chômage des femmes atteindrait 20%, selon le centre franco-iranien, et souvent, comme partout dans le monde, pour un moindre salaire à poste égal.

Et bien que le second revenu qu’elles ramènent à la maison soit de plus en plus indispensable en raison de la situation économique, certains hommes restent sceptiques. « Les femmes acceptent un salaire plus bas, et cela entraîne une augmentation du chômage des hommes car les entreprises vont préférer les embaucher elles » regrette Mohammed – malgré le taux de chômage supérieur des femmes. Ces mentalités-là, elles seront encore plus longues à changer.

Cet article a été publié dans le premier numéro de notre revue papier féministe, publié en septembre 2018. Si vous souhaitez l'acheter, c'est encore possible ici.

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