Le viol sur mineur-e-s : « Les Chatouilles », un film qui nous raconte

Le film « Les Chatouilles » raconte l’histoire d’une petite fille victime de violences sexuelles, qui décide de parler une fois adulte. Un récit de souffrance puissant et percutant.

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Copyright Stéphanie Branchu – Les Films du Kiosque

Le film « Les Chatouilles » raconte l’histoire d’Odette, 9 ans, et de l’ami de ses parents, Gilbert, qui aime tant « jouer aux chatouilles » avec elle. C’est l’Odette adulte qui parle, maintenant que sa mémoire est revenue. C’est courant, chez les victimes d’abus, de faire une amnésie post-traumatique. Elle raconte, durant des séances chez une psychologue, ses souvenirs d’enfance, étroitement liés à cet ami. On la voit, à 9 ans, être ramenée de son cours de danse par le Gilbert en question : dans la voiture, iels ne sont que tous les deux. C’est un secret qu’elle ne doit dire à personne.

Il lui demande d’enlever sa culotte et elle n’a pas le choix, même si elle essaie de dire non. Elle raconte plusieurs situations semblables, où Gilbert use et abuse de son pouvoir d’adulte en la culpabilisant, en lui disant des phrases telles que « je suis très triste, Odette », « je suis très déçu »… Et où finalement, il l’entraîne dans la salle de bain et ferme la porte sur nous, qui regardons le film. Le viol est sous-entendu, la souffrance est latente, le crime est commis. C’est la première partie du film.

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Copyright Stéphanie Branchu – Les Films du Kiosque

En parlant de ce qu’elle a vécu à sa psychologue, Odette assume de plus en plus que ce n’est pas de sa faute et qu’il faut en parler, à ses parents d’abord – qui n’ont rien vu –, à la gendarmerie ensuite pour attenter un procès à Gilbert. La réaction des parents est pour moi assez juste, mais elle n’est pas unique. Comment réagiriez-vous si vous appreniez que votre enfant a été abusé-e sexuellement quand il/elle avait 9 ans ? Les parents d’Odette, ont eu des réactions assez contraires. Le père a été atterré de n’avoir rien vu, puis furieux, voulant aller tout de suite venger sa fille à coups de poings. La mère réagit plus calmement, à coup de « Odette. Tu es sûre ? Après tout, tu étais une enfant, tu ne t’en souviens peut-être pas vraiment, il ne faisait probablement que jouer avec toi… » et enchaînait : « qu’est-ce que les autres vont dire ? As-tu pensé à la compagne de Gilbert ? Il ne ressemble pas à un pédophile, il a tout pour lui ! » Incapable de voir la douleur de sa fille, la mère nie. Elle ne comprend pas, ne veut pas comprendre cette douleur.

Et finalement, il y a un procès. Finalement, Gilbert est inculpé, même s’il ne ressemble pas à un pédophile, même s’il a tout pour lui, même si ça fait longtemps, même s’il affirme que comme Odette ne disait rien, il pensait qu’elle aimait ce qu’il lui faisait. Et c’est une épreuve dure. « Elle déshumanise tout le monde », d’après Andréa Bescond, qui joue l’Odette adulte et qui ne raconte pas tout ce qu’elle a subi, afin de protéger un minimum ses parents, notamment. Ceci dit, elle sait aussi qu’il faut qu’elle le fasse, afin de poser les mots, de rendre réels des actes passés mais graves, très graves. C’est important afin de pouvoir enfin se libérer de ce poids et de sortir du statut de victime.

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Copyright Stéphanie Branchu – Les Films du Kiosque

Dans le film, il y a également la sœur de l’agresseur qui témoigne contre lui : elle aussi a subi des violences sexuelles, lorsqu’elle était enfant. Cependant, elle n’a jamais rien dit, elle n’a jamais osé. Elle témoigne plus de 15 ans après sa majorité, il y a donc prescription, comme le rappelle le juge dans le film. La prescription est un principe de droit qui dit qu’au-delà d’une durée déterminée, une action en justice, civile ou pénale, n’est plus recevable. C’est ce qui s’applique pour la sœur de Gilbert mais pas pour Odette, puisqu’elle est dans la vingtaine lorsqu’elle témoigne contre son agresseur. Celui-ci prend finalement 7 ans de prison. Le film se termine donc sur une grande note d’espoir, parce que maintenant, Odette pourra se reconstruire, revivre…

Ce film ne fait pas peur. Il est prenant. Il est subtil, comme peuvent l’être les agressions sexuelles sur enfants, dont le nombre est extrêmement élevé en France : il est estimé que 155 000 enfants en sont victimes chaque année. Ce film est un coup de poing en pleine tronche. Ce film, inspiré de faits réels, nous rappelle à quel point les victimes sont nombreuses, parfois même dans notre entourage… Certaines se taisent encore.

Pour aller plus loin :

Violences sexuelles sur mineurs en France : des chiffres très sous-estimés ?

Rapport de l'Observatoire national de la protection de l'enfance (2017)

Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction

Rapport au Sénat "Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles"

L'association SOS Inceste et Violences Sexuelles (02-22-06-89-03)

Le collectif féministe contre le viol (0 800 05 95 95)

La Fondation pour l'enfance

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