Pourquoi je suis devenuE féministe : Cher Simon


Lancé en avril 2020, pendant le confinement en France, notre concours « Pourquoi je suis devenuE féministe » a remporté un beau succès, avec 35 participations. Voici l’une d’entre elles.

Autoportrait « Si j’étais un homme » © Alice Diaz

Si mon sexe avait été masculin, on m’aurait appelé Simon. S’il avait existé, moi non. Je lui donne une existence aujourd’hui uniquement pour raconter mon féminisme, l’urgence que j’ai ressentie à l’être et à le défendre.

Cher Simon,
Tu doutes toujours de tout, sauf de toi-même. Sache que confort n’a pas lieu d’être lorsqu’on est un-e résistant-e. Le sais-tu, Simon, que tu es né auréolé de privilèges ? Le sais-tu, Simon, que ce n’est pas t’agresser que de te prouver ces privilèges ? Ce n’est pas une guerre que je compte mener contre toi ou contre les hommes. C’est un acte de résistance. Je revendique mon féminisme : en refusant de croire que le système a une place pour moi car je sais quelle m’aura été réservée en fonction de ce que représente mon sexe.

Hors de question que tu me fasses aller sur ta route bétonnée, moi je préfère tracer un passage dans les lianes infinies. Je veux apprendre ; me faire mes propres opinions par mes propres observations. Je veux découvrir ce que l’on m’a caché, je veux aller vers « l’interdit ». Au modèle qui nous est imposé, je préfère l’intelligence de la Nature. Nous devons refuser un monde où on glorifie une domination qui ne respecte pas l’essentiel : la Terre et ses habitant-e-s, tou-te-s autant qu’iels sont. Toi pour qui le monde a prévu une place de choix, tourne le dos à la facilité. Choisis de lutter. Si dans ton cœur il n’y pas de place pour celle que tu aurais pu être, c’est que tu ne crois pas en l’humanité, là où j’ai pourtant ma place.

Simon, tu me connais bien : tu sais que je ne suis pas née en colère. Tu dois deviner que mon féminisme n’est pas une hystérie passagère, mais une proposition de traverser le système dans le sens contraire. Tu sais, au fond, que je n’ai rien inventé. Tu sais mes souffrances ; combien il m’est difficile de me taire à ce sujet, mais combien il est mille fois plus douloureux d’en parler. Pourquoi ne veux-tu pas m’accorder ta confiance ? Nous avons besoin, plus que jamais, de nous faire confiance. De nous écouter. C’est ce que prône le féminisme, là où toi tu ne devines qu’une rage, légitime, que tu réduis avec des termes provocants. Pourquoi, comme ceux qui s’opposent à moi, cherche-tu à minimiser ce que je dis, ce que je pense, ce que je suis ? Crois-tu, croyez-vous que cela puisse être une possibilité ? Une marche à suivre ? Les féministes existent. Je suis une féministe. Parce que c’est une façon de le dire haut et fort : je suis contre ce système. Vous ne pouvez rien attendre ou supposer de moi. N’est-ce pas merveilleux qu’une personne qui réfléchit pour elle-même, qui apprend à ne pas dépendre d’un système ? Mon féminisme me permet de réfléchir : c’est une philosophie. Être féministe, c’est être poussé vers le monde par cette réflexion, et non en se soumettant par « principe » aux règles établies. Car ces règles-là sont injustes envers un bon nombre de personnes qui répondent avec un bon nombre de luttes en fonction de leur caractère, de leur histoire, de qu’iels sont. Refuser de croire en ces personnes qui souffrent, qui sont en colère, qui ne veulent pas se laisser dominer, c’est leur refuser le statut d’être humain. Et cela ne peut amener qu’à une seule finalité : perdre sa propre humanité. S’il y a une lutte que je veux mener Simon, c’est pour celleux qui voudront m’écouter. Ce que je prône, c’est le respect de l’autre. Le respect est un peu comme la bonté, ce sont des qualités qui ont tendance à disparaître au fil du temps, comme si elles étaient dépassées. Mais quelle est donc cette époque si particulière pour croire que respecter un-e autre, être bonn-e avec iel, ou même seulement l’écouter est une forme de bassesse ?

Que tu choisisses d’ouvrir les yeux ou non n’est pas mon problème. Mais je refuse de perdre la foi en nous, aussi imparfait-e-s que nous sommes. Je veux croire à des résolutions intérieures qui nous permettront de rester lié-e-s les un-e-s aux autres.

Je m’élance, féministe et confiante, vers l’avenir.
Bien à toi,
Alice.

Alice Diaz

Palmarès du concours
Catégorie « formats originaux »
1 – Caillou dans la chaussure, Anouk
2 – Comme une évidence, d’Ebène
3 – Quelques riens, Csil

Catégorie « textes »
1 – L’histoire d’un cheminement, Susy Garette
2 – Rester en vie, Ju
3 – Paye ton neutre, Feuillue

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Ceci est le compte officiel du webzine Les Ourses à plumes.

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