Lancé en avril 2020, pendant le confinement en France, notre concours « Pourquoi je suis devenuE féministe » a remporté un beau succès, avec 35 participations. Voici l’une d’entre elles.

Août 2018. C’est lors d’un après-midi d’été où j’entrais dans une librairie que j’achetais, un peu par hasard, Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir. Une fois rentrée de vacances, je me plongeais dans sa lecture. Je réalisais, à mesure que j’avançais dans le roman, que ça ne devait pas être facile d’être une femme au XXème siècle, même quand on est bourgeoise : il fallait se plier à un ensemble de conventions sociales qui étaient imposées aux femmes, pour la simple raison qu’elles étaient des femmes. Je pensais alors que j’avais de la chance de ne pas avoir vécu à cette époque.
Septembre 2018. J’emménageais avec mon copain afin de nous rapprocher de nos lieux d’études. Nous revenions chacun-e d’une année d’étude à l’étranger, alors nous mourions d’envie de passer du temps ensemble. Mais voilà : l’emménagement à deux n’était pas aussi beau que ce que nous avions pu penser. Au bout de quelques mois, une asymétrie de libido s’installa dans notre couple, ce qui commença à être source de disputes. Mon manque d’envie et quelques reproches déplacés de sa part me firent culpabiliser. Je trouvais cette situation très injuste et ne voulais plus la subir, mais je ne savais comment faire pour tenter d’y remédier.
Février 2019. Je commençais un stage de six mois qui m’obligeait à prendre les transports en commun pendant 2h30 tous les jours. Comment m’occuper pendant tout ce temps à tuer ? Lire un livre debout, serrée contre des personnes dans le métro ? Ecouter inlassablement les mêmes albums de musique sur mon téléphone ? C’est ainsi que je découvrais l’univers des podcasts, et plus particulièrement celui des Couilles sur la Table. Après chaque épisode, je prenais conscience de toutes les injustices et oppressions qui y étaient dénoncées, et qui ne me paraissaient pas si évidentes auparavant. Toutes ces idées infusèrent progressivement en moi, et je commençais à regarder des documentaires, à lire des livres en lien avec ces thématiques. Le féminisme prenait petit à petit une part non négligeable dans ma vie, mais je ne me considérais pas encore comme féministe (je pensais qu’il me fallait sacrément plus de confiance en moi et de connaissances sur le sujet pour me définir comme telle). J’avais aussi le sentiment que le féminisme pouvait devenir la clé qui me permettrait de comprendre ce que je vivais dans mon couple.
Juillet 2019. Le féminisme s’ancrait en moi, mais je n’avais personne avec qui le partager. C’est alors que je rencontrais la soeur d’un ami. Le féminisme l’intéressait beaucoup, même si elle était aussi ‘débutante’ que moi dans le domaine. Elle était en revanche beaucoup plus révoltée que moi face à toutes ces injustices, et elle n’avait pas peur d’exprimer sa colère. Sa force de caractère m’inspirait et me donnait confiance en moi, en mes idées, et je commençais à m’affirmer, à donner mon avis dans des discussions (ce que je n’aurais jamais fait auparavant, me sentant toujours illégitime de prendre la parole). Elle est devenue mon alliée qui sait lire le fond de mes pensées.
Avril 2020. Ces derniers temps, j’ai eu la chance de rencontrer d’autres copines féministes avec qui je souhaiterais créer un groupe en non-mixité choisie au sein de notre université. Je me définis et m’affirme pleinement comme féministe depuis quelques mois maintenant. Finalement, je dirais que le féminisme est l’une des plus belles choses que j’ai eue la chance de découvrir. C’est l’impression que chaque moment de détresse, de sentiment d’injustice vécus personnellement, sont en fait partagés par un grand nombre de femmes sur cette planète, auxquelles mon destin est intrinsèquement lié. C’est aussi ma porte d’entrée dans les autres luttes, car il n’y a pas que les femmes qui subissent des oppressions systémiques au quotidien. C’est une manière d’analyser le monde, d’être révoltée et de s’entourer des bonnes personnes pour tenter de l’améliorer.
Le féminisme et les copines, y’a plus que ça de vrai pour moi.
Alice
Palmarès du concours
Catégorie « formats originaux »
1 – Caillou dans la chaussure, Anouk
2 – Comme une évidence, d’Ebène
3 – Quelques riens, Csil
Catégorie « textes »
1 – L’histoire d’un cheminement, Susy Garette
2 – Rester en vie, Ju
3 – Paye ton neutre, Feuillue