Pourquoi je suis devenuE féministe : Renaître parmis ces cendres

Lancé en avril 2020, pendant le confinement en France, notre concours « Pourquoi je suis devenuE féministe » a remporté un beau succès, avec 35 participations. Voici l’une d’entre elles.

© Dácil Martín Paillet

Pour une version chantée : cliquez ici.

J’ai tenté, et je tente toujours de renaître
Survolant les siècles d’histoire scolaire trempés dans l’insignifiance des femmes. Ce pesant silence qui laisserait imaginer une absence totale de leur masse vivante ou de leur singularité.
Seules les cendres des bûchers semblent laisser s’échapper des cris qui m’ensorcellent.
Renaître parmi ces cendres. En modeler une forme muante, mouvante, mutante.
Telle une chenille qui renouvellerait ses peaux successives, voici quelques unes de mes mutations de plusieurs jours, mois, années, qui à chaque transition m’amène à prendre de la place dans l’existence.

Ma première peau fut transparente. Une peau de douceur. Tel un bébé mou et perméable, l’éponge s’imbibe, se gonfle, absorbe les émotions, les habitudes, les rôles rigides, les hiérarchies, les classes sociales dans cette petite Belgique natale, dans l’Europe des 12.

Me vêtir de ma peau noire, celle qui m’ancre dans le sol, pieds nus, mes racines dans la terre. Celle qui m’accompagne dans ma résilience, et qui bouscule les valeurs et me donne de la force et de la dignité. Celle qui questionne les couleurs et les cultures. Celle qui autorise le chant, la danse, le rythme, l’extase. Celle qui prend soin de sa famille, de ses vieux. Celle qui a besoin d’un village pour élever son enfant. Celle de l’injustice. Celle de la révolte

Me vêtir de ma peau grise. Le gris d’un gros galet rond et lisse et chaud, qu’on peut tenir d’une main pour l’envoyer mentalement sur un pare brise de bagnole dont le type te klaxonne suite à ton passage, alors que tu marches tranquillement pour prendre l’air. Cette arme mentale que je tiens dans la main dès que je suis seule dans la rue ou dans la forêt du Chaperon rouge. Le gris inviolable. Comme c’est jouissif de se promener seule. Quelle plénitude. Quel voyage intense, immense. Liberté absolue, envie de parcourir la terre. Et cette pierre qui efface vaguement les menaces bien répétées. En tant que fille, c’est déconner. Il y aura toujours une pensée, un mec ou un événement pour te le rappeler.

Me vêtir de ma peau verte. A califourchon sur mon akène à aigrette, le vent qui me pousse délie les frontières. Ma terre mère est violentée, malmenée, saccagée, exploitée. Je tente de la cajoler, mais je cache mes larmes.

Me vêtir de ma peau rouge. Quand le sang déborde de mes veines et que j’explose ma rage. Quand mon corps se nettoie, se renouvelle. Quand mon cycle fusionne avec la lune et l’univers. Ce rouge qui me trouve des alliées. Ce rouge teinté de liens, de bienveillance, de complicité, d’intelligence. Ma compagne, mon amour

SuSy District

Palmarès du concours
Catégorie « formats originaux »
1 – Caillou dans la chaussure, Anouk
2 – Comme une évidence, d’Ebène
3 – Quelques riens, Csil

Catégorie « textes »
1 – L’histoire d’un cheminement, Susy Garette
2 – Rester en vie, Ju
3 – Paye ton neutre, Feuillue

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