Hier, mercredi 9 mars 2016, soit le lendemain de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la presse internationale se faisait l’écho du coming out trans de Lilly Wachowski. En soi, cette nouvelle pourrait sembler de moindre importance. Pourtant, nous pouvons nous réjouir qu’une personne puisse être publiquement, ouvertement, qui elle est. C’est la valeur de tout coming out en somme. Nous pouvons également nous réjouir d’apprendre que Matrix, l’un des films les plus emblématiques de ces vingt dernières années ait été réalisé par deux femmes. Mais les motifs de joie s’arrêtent malheureusement là quand on voit le traitement médiatique qui a été réservé à cette information.
Le premier point concerne le coming out en lui-même. Il est plus que déplorable de voir l’impact des médias dans le cas présent. C’est en effet sous la pression de la menace d’outing par un journaliste britannique du Daily Mail que Lilly Wachowski a décidé de prendre les devants dans une lettre ouverte. Comme elle le dit, elle n’a malheureusement pas « eu à décider » du moment de faire son coming out. Or il apparaît clairement que la démarche de sortir de placard, quel que soit le placard d’ailleurs, ne devrait jamais avoir pour origine une pression extérieure. Être membre d’une communauté minorisée est un poids déjà assez lourd pour que le coming out n’ait pas pour point de départ médias et journalistes assoiffé.e.s de scoops.

Le deuxième point, c’est le traitement de cette information dans la presse en ligne française, mais pas que. « Andy devient Lilly » pour Télérama, « Andy Wachowski, co-auteur de Matrix, devient une femme… » titre France 24, « Les frères sont désormais des soeurs » pour le Dauphiné Libéré et la palme revient sans doute au Huffington Post : »Après Larry, Andy Wachowski fait son coming out trans« . Les médias français (mais ce ne sont pas les seuls) ont prouvé une chose : leur méconnaissance des problématiques liées à la transidentité et à l’identité de genre. Il est effrayant de constater qu’en 2016, cette information soit relayée avec force de commentaires concernant des questions de chirurgie ou le refus d’utiliser le nom que la personne en question se donne. Pourtant Lilly Wachowski dans sa lettre ouverte tient un discours très fort : elle y évoque la pression d’une vision binaire du genre qui oppose masculin et féminin, point. Elle y parle aussi des dangers auxquels s’exposent les trans, victimes de transphobie et parfois acculé.e.s au suicide, elle rappelle l’histoire de cette institutrice britannique, Lucy Meadows, qui s’était suicidée après avoir été outée par le Daily Mail . « Nous ne sommes pas des prédateurs, nous sommes des proies« .

Des proies que les médias, en ne se prémunissant pas contre toutes ces formes de transphobie ordinaire, jettent en pâture à toutes les personnes haineuses qui traînent sur les réseaux sociaux notamment. Il a été frappant de voir que les commentaires suite aux articles relayant cette nouvelle dans les médias généralistes n’ont pas été modérés sur Facebook notamment. Nous ne ferons pas la liste des aberrations transphobes que nous avons pu lire, ce serait leur accorder trop d’importance. Mais il apparaît clairement qu’il est temps pour la presse française de s’informer sur les questions liées à la transidentité pour ne pas se faire l’écho de tout ce que l’ignorance peut produire d’intolérance.
Lilly Wachowski évoque, pour conclure sa lettre ouverte, la figure de Sisyphe, condamné à rouler toujours la même pierre au sommet de la même montagne, en guise de punition pour avoir oser défier les dieux de l’Olympe. Si Lilly Wachowski aide Sisyphe à porter le poids du progrès, peut-être est-il temps pour les médias de leur prêter main forte en laissant à toutes et tous la liberté de simplement exister au-delà des normes et des cases qui emprisonnent et détruisent ?
A lire aussi :
– Comment les tabloïds ont forcé le coming out de Lilly Wachowski sur Slate.fr
– Lilly Wachowski décode le genre sur Libération
– La lettre ouverte de Lilly Wachowski (en anglais) sur le site du Windy City Times