Réactions en chaîne sur la tuerie homophobe d’Orlando

La nouvelle de la tuerie commise dans la discothèque gay d’Orlando, le Pulse, nous est parvenue dans la journée de dimanche 12 juin 2016. La fusillade qui visait un lieu emblématique de la communauté LGBT+ a fait 49 mort.e.s et 53 blessé.e.s.  La boîte de nuit visée était clairement identifiée comme un lieu gay. Pourtant, les premières informations parvenues en France ne faisaient état que d’une fusillade dans une boîte de nuit. Puis, de plus en plus de détails nous sont arrivés, mais dans la grande majorité des cas, la dimension LGBTphobe du massacre a d’abord été invisibilisée. On peut s’interroger sur les réactions qu’a suscitées ce dramatique événement de notre côté de l’Atlantique.

Invisibilisation pure et simple

Le premier temps a été celui de l’ignorance. La classe politique dans sa grande majorité a d’abord totalement occulté la dimension gayphobe de l’attaque.

Aucun problème pour prendre en considération le fait qu’il s’agit d’un acte de terrorisme islamique. En revanche, rien sur le lieu visé, sur la communauté frappée par le drame. Mention spéciale aux propos hallucinés et hallucinants de la Manif pour Tous et autres Christine Boutin sur Twitter.

Des associations, à l’instar de FièrEs, ne tardent pas à réagir en rappelant les propos de Christine Boutin concernant l’homosexualité, propos pour lesquels elle a d’ailleurs été condamnée. L’invisibilisation permet à la cathosphère (voire la fachosphère) de se fendre de messages de soutien, c’est le cas de la Manif pour Tous dont le porte-parole, Jean-Pier Delaume-Myard, avait, moins d’un an plus tôt fait du « lobby gay » le « DAESH de la pensée unique » (voir l’article publié dans Le Monde à ce sujet).

Comme l’écrit Didier Lestrade pour Libération : « Dès le lendemain du massacre, les leaders politiques ne sont pas parvenus à prononcer des mots pourtant simples comme «gay» ou «homophobe». Les médias ont du mal à désigner les victimes sous l’angle de leur sexualité et encore moins leur ethnie (c’était un club rempli de Latinos, c’est si compliqué à dire ? Des Latinos gays, ça vous dépasse ?). »

Dans la presse : lundi matin, le grand absent des médias étaient bien le mot « gay », si l’on excepte la revue de presse de Nicolas Martin sur France Culture intitulée « Géométries Variables », la dimension gayphobe du massacre a d’abord été invisibilisée. On pourra lire à ce sujet l’excellente mise au point publiée sur le site Acrimed.org.

Parmi les très grandes maladresses de ces derniers jours, soulignons également la prise de position de l’UEFA qui organise l’EURO 2016. On se souvient de l’agacement suscité dans les communautés LGBT+ à l’annonce du changement de la date de la Marche des Fiertés de Paris (qui se tient d’ordinaire le dernier week-end de juin) pour cause d’Euro de football. Face aux interrogations concernant l’absence d’hommage dans les matches de la compétition, l’UEFA s’est expliquée à Marianne : « Il y a malheureusement des événements tragiques qui se déroulent presque quotidiennement partout dans le monde, et il serait tout simplement irréaliste de rendre hommage à toutes les victimes. »

Rétro-pédalages

Beaucoup de raisons d’être en colère donc. Mais dès lundi après-midi, certain.e.s parmi les responsables politiques ont évoqué la question des LGBT-phobies. On pourra souligner à ce sujet la publication sur Facebook de Jean-Luc Mélenchon (à lire ici)Le Président de la République, quant à lui, a dû s’y reprendre à plusieurs fois sur son compte Twitter pour évoquer la question de l’homophobie. On a d’abord pu lire que l’attentat d’Orlando visait la « liberté de choisir son orientation sexuelle » avant que, face au tollé général, le tweet soit modifié en « liberté de vivre ». Si le tweet de départ a été supprimé, la vidéo de l’hommage présidentiel maladroit est quant à elle toujours sur le net.

L’éditorial du Monde daté de lundi 13 juin 2016, et qui évoquait un « racisme antihomosexuel » atteste bien de la difficulté de parler de LGBTphobies dans les médias français. Mardi matin, la plupart des rédactions font acte de contrition. Non, la presse française n’a pas parlé du caractère gayphobe de l’attaque d’Orlando. Les titres se suivent et se ressemblent un peu : « Tuerie d’Orlando : l’homophobie et la « frilosité déplacée » des médias » pour Métronews, « Après Orlando, l’inacceptable déni face à un attentat homophobe » sur Marianne.net. Beaucoup reviennent sur l’absence des mots homosexuels, gay, LGBT dans les médias depuis dimanche.

Il est intéressant de constater que malgré ce mea culpa, plus ou moins général, la grande majorité des personnes invitées à s’exprimer sur la tuerie d’Orlando ne représente pas les communautés LGBT+. Quasiment aucun.e représentant.e d’associations LGBT+ n’a été interrogé.e alors que celles-ci ont immédiatement appelé à des rassemblements en hommage. Alors que les communautés LGBT+ sont touchées par le terrorisme, quelle place est concrètement accordée à la parole des membres de ces communautés ? Si l’on souligne l’absence,  peu s’interrogent sur ses réelles raisons.

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Rassemblement de solidarité le 13 juin 2016, place de la République à Paris.

Il peut être opportun de considérer ces réactions de façon plus globale. Faut-il se contenter de jeter l’opprobre sur celles et ceux qui se sont empress.é.e.s de réagir en omettant, sciemment ou non, la dimension gayphobe de l’événement ? Il peut sembler plus juste de considérer qu’à l’heure de l’actualité 24/24H, des directs et des réseaux sociaux, personne n’a pris la peine de réfléchir avant de réagir. Si le Président de la République, si les agences de presse, si les personnalités politiques s’étaient interrogé.e.s deux minutes avant de se fendre d’un tweet plus ou moins bien senti, les réactions auraient peut-être été différentes, en témoignent les différentes modifications du tweet présidentiel. Le problème n’est peut-être alors pas tant la réaction individuelle mais bien ce qu’elle souligne : que l’homophobie est un mal structurel et ambiant et que la dénoncer requiert réflexion (ce qui est une preuve de plus de son caractère structurel et systémique).

La frilosité des médias (et leur propension à se taper ensuite dessus les uns sur les autres) quand il s’agit de parler de gayphobie montre bien une chose : dénoncer les LGBT-phobies ne va pas de soi, parce qu’elles sont partout et qu’elles visent les communautés LGBT+ en tous lieux, à tout heure, de mille façons diverses.