Le bilan sexiste et raciste des Jeux Olympiques 2016

Tous les 4 ans, le monde assiste aux meilleures performances sportives des athlètes venu-e-s des quatre coins de la planète. Cette année, nous avons également eu droit aux performances des commentateurs sportifs au top flop de leur niveau sexiste et raciste.

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Aux JO d’hiver de Sotchi en 2014, nous avions eu droit notamment à cela :
« Ah, elle a beaucoup de charme Valentina, un petit peu comme Monica Bellucci. Peut-être un peu moins de poitrine, mais bon… », « En tout cas, moi, je connais plus d’un anaconda qui aimerait venir embêter un petit peu cette jeune Cléopâtre canadienne ». Des paroles sorties de la bouche de l’ancien patineur français Philippe Candeloro. Et son collège journaliste sportif Nelson Monfort de concourir à la compétition de la remarque sexiste avec son : « Ce faux départ nous permet d’admirer le visage, et un petit peu la plastique des concurrentes ».

Les JO de Rio terminés, il nous reste à établir le podium pour les propos entendus de nos bien mâles commentateurs français et étrangers…

Dans la catégorie Ethnocentrisme et lacunes historiques

1.    « L’Amérique été découverte par Christophe Colomb ».
Les descendant-e-s des habitant-e-s nati-ve-f-s des Amériques du Nord jusqu’au Sud diraient le contraire.

2.    « Les populations Incas du Brésil ». Le CRAN a dû faire un rappel géographique et historique à France 2 Télévisions, chaîne publique. Les Incas et leurs descendant-e-s sont situé-e-s plutôt au Chili, dans la région de la Cordillère des Andes. Mais bon, un Amérindien en cache bien un autre.

3.    Daniel Bilalian (journaliste, directeur des sports à France Télévisions) : « Le trafic d’esclaves [qui] a été nécessaire ici pour le développement industriel […] Un esclavage qui a duré jusqu’à la fin du XVIIIe siècle […] Le Brésil a utilisé les services de ces esclaves africains qui venaient de l’ensemble du continent africain. » Ou comment un crime contre l’humanité devient simplement un système de services offerts pour le bien économique d’un territoire colonisé. Mention d’honneur pour Daniel Billalian qui appelle le philosophe Auguste Comte, « Maurice Comte ». Ce n’est pas grave. La devise « Ordre et Progrès » du philosophe est juste inscrite sur le drapeau brésilien.

Dans la catégorie Sexisme et Body-shaming

1.    Automne Pavia est  « une belle jeune femme », une « athlète élancée que l’on pourrait voir ailleurs que sur des tapis de combat […]  mignonne et atypique car très féminine pour une judoka […] elle a toujours le sourire et un côté fleur bleue ». Une belle et élancée courtoisie du quotidien national français l’Équipe dans son portrait de la judoka médaillée de bronze aux Jeux de Londres en 2012. Encore un journaliste sportif qui a confondu les JO avec le profil d’une utilisatrice de Meetic.

2.    « Les Simpsons l’ont fait de nouveau, ils ont prédit le surpoids d’Alexa Moreno. »
« Alexa Moreno a le corps de deux gymnastes en un, un régime avant d’aller aux Jeux olympiques aurait été bienvenu. » On aurait préféré un autre début pour les premiers Jeux d’Alexa Moreno, la gymnaste mexicaine de 22 ans victime de body-shaming sur les réseaux sociaux. On retiendra aussi le soutien virtuel des internautes et notamment de la Twittosphère pour la gymnaste avec @amyharvard : « Les gens body-shament la gymnaste olympique mexicaine Alexa Moreno, mais ils ne peuvent même pas faire un salto sur une poutre ou attraper la télécommande de la télé. »

3.     « On va avoir le droit à une opposition entre deux des plus grandes drama queens du circuit : on va voir pas mal de grandes démonstrations, de grands gestes, de cris, de rage, de pleurs… Ça extériorise beaucoup. » François Brabant, journaliste lors du 2e tour du tournoi de tennis qui opposait la française Alizé Cornet à l’américaine Serena Williams. On devrait interdire les matchs de compétition aux femmes pendant leurs règles, ça éviterait bien ces extériorisations vulgaires féminines. Manquerait plus qu’elles s’expriment publiquement en plus !

Plusieurs mentions honorables :

•    « Ah, ça pleure chez les gonzesses. Quand ça gagne, ça pleure, quand ça perd, ça pleure…. » par Thierry Rey, ancien judoka reconverti en consultant sur Canal+ lors de la victoire de la judokate brésilienne Rafaela Silva médaillée d’or face à la tenante du titre mongole Dorjsürengiin Sumiya.

•    « Et voici la personne responsable de sa performance »,  sur la chaîne américaine NBC, en désignant le mari de la nageuse Katinka Hosszu comme étant à l’origine des performances de la sportive. La  nageuse hongroise a remporté sa troisième médaille d’or, après ses titres sur 100m dos et 400m 4 nages, a terminé aussi première du 200m 4 nages individuel et établit un nouveau record olympique. Mais elle n’est pas « responsable » de ses victoires. Ok.

•     « Trio delle cicciottelle » ou « trio de grassouillettes », belle déclaration d’un journaliste du très italien journal il Resto di Carlino du lundi 8 août 2016. Le journaliste en question s’est excusé, et serait en voie de licenciement. Voilà pour vos débuts en italien.

•     « Les Françaises sont beaucoup plus mignonnes, beaucoup plus féminines que les Américaines », par l’ex rugbyman Fabien Galthié lors du match de rugby à 7 du lundi 8 août 2016 qui opposait la France aux États-Unis. Analyse essentielle pour comprendre un match de rugby, merci Fab’.

•    Le jackpot sexiste de la nageuse américaine Katie Ledecky qui a battu le record du monde du 400m nage féminin le samedi 6 août 2016. Pour commenter cette performance, attendez-vous à avoir les oreillles et yeux court-circuités par les remarques de nos chers analystes sportifs :
« Michael Phelps en femme » dixit le britannique Daily Mail, « Phelps au féminin » dixit Le Figaro. Pour les novices, son partenaire d’entraînement Conor Dwyer déclarait en avril 2016 qu’elle « tordait pas mal de mecs à l’entraînement », pour ajouter ensuite : « Quand vous vous faites battre par une femme, le moral peut descendre assez vite. Quelques-uns ont immédiatement stoppé leur séance après. J’ai rarement vu ça… ». Le nouvel esprit Coubertin ?

Dans la catégorie Racisme et déshumanisation

1.    « On dirait un petit manga (…). Il y a tous les petits personnages qui sont contents (…). Ce sourire ! On se croirait dans les dessins animés, des petits Pikachus de partout. Tac tac tac. » par Thomas Bouhail, feu gymnaste et actuellement consultant sportif au sujet de l’équipe japonaise féminine de gymnastique. Leçon 1 de la culture japonaise :   Japonais =  sushi = manga = Pokémon. Vous avez compris ?

2.    Un filet de beach-volley et deux femmes :  la joueuse allemande Kira Walkenhorst, en bikini ; de l’autre, son adversaire égyptienne Doaa El-Ghobashy, vêtue d’un pantalon,  t-shirt à manches longues agrémenté d’un voile. Une photo de Lucy Nicholson pour Reuters qui a fait le tour du monde. On a eu le droit au sempiternel cliché de la femme occidentale libérée face à l’opprimée femme orientale. Alors même que d’autres joueuses égyptiennes n’étaient pas voilées. Sinon qui se rappelle de l’équipe qui a gagné le match parmi ces élucubrations vestimentaires ?

3.    « Singe en cage » ; « Va te faire violer ». Le ras-bol des sportives brésiliennes peut se faire comprendre et doit être entendu. La judoka noire Rafaela Silva après avoir remporté l’or dans la catégorie des 57 kg n’a pas oublié les insultes racistes à son encontre durant les JO de Londres en 2012 : « Le singe est sorti de sa cage à Londres et il est devenu champion à Rio » a t-elle répliqué pendant une conférence de presse sur l’égalité raciale.

Sa compatriote nageuse Joanna Maranhao n’est pas en reste. Battue lors du 200 m papillon, elle a été lynchée sur les réseaux sociaux pour ses origines modestes, et sa féminité. Victime de pédophilie dans son enfance, elle milite aujourd’hui contre ces violences : « Ce n’est pas possible que quelqu’un te dises qu’il souhaite que tu sois violée ou que tu meures. On n’est pas obligé de m’aimer, mais j’ai droit au respect ». Elle fait le constat amer d’un pays divisé socialement et racialement : « Le Brésil est un pays machiste, un pays homophobe, un pays xénophobe. Je ne veux pas généraliser, mais il y a des gens comme cela malheureusement ».

Selon des explications de certains professionnels glanés dans la presse, les femmes ne regardent pas assez de sport pour qu’on parle des sportives sérieusement. Le sport féminin ne se vend pas assez bien donc il faut le rendre plus attrayant d’où les gros plans sur les fesses des volleyeuses ou tenniswomen dit-on. On continue d’aller chercher chez les femmes les excuses de ces comportements qui sont le fait exclusif des commentateurs et professionnels de la presse écrite et télévisée.

Où sont les commentatrices ? De nombreux sportifs sont devenus consultants sportifs après leur carrière, où sont passé les femmes sportives qui se sont retirées de la compétition ? Les problématiques de responsabilité, déontologie journalistique et sanction réelle des dérapages restent toujours d’actualité sans aucune amélioration observée vu le palmarès de cette édition des Jeux.

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Que tout se vive avec passion.