David, président d’Handi-Queer, revient sur les objectifs de cette jeune association créée en 2018. Parler à la fois des problématiques « handi » et « queer », en croisant les oppressions, une mission bien trop rare aujourd’hui encore dans le paysage militant.

Comment votre association s’est-elle créée ?
« Il y a deux ans, nous avons commencé par tenir un blog avec mon amie Marie qui est handicapée, féministe et lesbienne. De fil en aiguille nous nous sommes rendu compte que les sujets concernant à la fois de faire partie de la communauté LGBTQ+ et le handicap intéressaient le lectorat et étaient utiles. On a donc voulu faire plus. Nous avons ensuite rencontré Maxence, ce qui nous a permis de monter une association à trois en 2018. »
« Faire plus », c’est-à-dire ?
« Tout simplement agir.
Le corps handicapé est tellement médicalisé qu’il est exclu des questions d’éducation sexuelle basiques, mais aussi des questions d’identité de genre et d’orientation sexuelle. Il y avait un manque.
On voulait agir sur cet angle-là, aller dans les lieux médicaux qui sont aussi des lieux de vie, comme les instituts médico-éducatifs ou les centres de rééducation… L’idée était d’intervenir auprès du personnel soignant et les former. Mais c’est un projet compliqué, qui demande du temps pour obtenir les bons agréments et nouer des partenariats.
Quand on est une personne transgenre comme moi, on côtoie des soignant-e-s formé-e-s aux problématiques du handicap mais pas sur les questions LGBT, j’ai été ainsi plusieurs fois obligé de faire mon coming-out… Beaucoup de personnes handicapées ont d’ailleurs un accès aux soins compliqué, car elles ont peur de la transphobie du personnel soignant.
Il n’existait pas d’association comme la nôtre, il y avait un besoin d’entraide également. »
Quels types d’actions sont menées ?
« Nous avons ouvert un groupe fermé sur Facebook, c’est un espace de parole qui répond à un réel besoin. Quand on a un handicap on se sent souvent isolé, physiquement car les transports et les lieux sont peu accessibles, mais aussi à cause de la fatiguabilité. Cet isolement lié au handicap s’ajoute à l’isolement ressenti lorsqu’on n’est pas une personne cisgenre hétéro. Dans ce groupe, nous avons presque 300 membres désormais. Suite à ce succès, nous avons décidé de se nous lancer dans des groupes de parole de manière physique, nous venons d’obtenir un local à la Maison des initiatives étudiantes pour ce faire. Cela nous permettra aussi de mettre en place des permanences administratives.
L’année dernière, avec l’Inter-LGBT, nous avons réussi à mettre en place le premier char accessible à la Marche des Fiertés de Paris. Beaucoup d’entre nous ne venaient pas à ce genre d’événements à cause du manque d’accessibilité. Nous allons réitérer l’initiative à la prochaine édition. Nous avons aussi participé à une manifestation pour les droits des personnes handicapées début mars 2019.
Dès qu’il y a un débat qui nous concerne, nous prenons position publiquement. On peut citer récemment le problème de la pénurie d’Androtardyl ou encore le livre d’Anne Ratier qui raconte son infanticide. »
Combien de membres êtes-vous aujourd’hui ? Est-ce une association en non-mixité ?
« Une quarantaine de personnes ont adhéré à l’association, on accepte tout le monde. Le groupe de parole est lui en non-mixité choisie, restreint aux concerné-e-s. Les personnes qui se confient sur Facebook vident souvent leur sac et sont à la recherche de soutien et de bienveillance. Elles posent aussi parfois des questions pratiques concernant leur quotidien : dossier administratif, choix de matériel…
Nous voulons également avoir une organisation qui nous représente, où ce sont les personnes concernées qui sont décisionnaires et actives. Une personne valide ne pourra pas tout comprendre, car elle ne vit pas nos expériences quotidiennes. »
En quoi est-ce important qu’une association militante « handi » et « queer » existe ?
« Nous sommes doublement invisibilisé-e-s. La société considère que le questionnement sur l’orientation sexuelle ou le genre ne doivent pas être une préoccupation pour les personnes handicapées. De l’autre côté, on estime que les personnes handicapées sont une minorité très minoritaire dans la communauté LGBT, déjà considérée comme minoritaire…
Nous subissons à la fois le validisme et les LGBTphobies. Les lieux festifs/associatifs LGBT safe sont rarement accessibles, il y a une double exclusion. »
Handi-Queer sera présent au Printemps des Assoces à Paris le 6 avril 2019. Leur Page Facebook, et leur site Internet. Pour adhérer à l'association, c'est ici.
Un commentaire sur « Handi-Queer, pour lutter contre une double exclusion, un double isolement »