Le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », également nommé « loi séparatisme » a été adopté mardi 16 février 2021 par l’Assemblée nationale. Il sera examiné par le Sénat à partir du 30 mars 2021. Tout comme le Front contre l’islamophobie qui s’est constitué en réponse à ce projet de loi, nous considérons qu’il constitue une énième loi raciste, liberticide et sexiste, visant avant tout les personnes musulmanes, et réduisant au passage les libertés associatives et politiques.

C’est quoi, ce projet de loi ?
C’est une loi « fourre-tout » comportant 57 articles et s’attaquant à de nombreux aspects de nos vies. Il prévoit, dans un premier volet intitulé « Garantir le respect des principes républicains » :
- La création du délit de « révéler, diffuser ou transmettre » de manière malveillante « des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser » lorsque la victime est chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique… C’est-à-dire l’article 24 de la loi de sécurité globale, qui voulait interdire de filmer la police.
- Encore plus de fichage, avec l’extension du champ d’application du fichier des auteur-rice-s d’infractions terroristes (Fijait) pour y intégrer « les délits relatifs à la provocation et à l’apologie d’actes terroristes ». Leurs auteur-rice-s seront interdits « d’exercer des fonctions au contact du public ».
- Le renforcement du contrôle des associations qui ne pourraient « tenir des discours qui soient contraires à la République » et un « contrat d’engagements pour le respect des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société » dont l’acceptation serait une condition sine qua non pour recevoir les aides publiques. Sans entrer dans le détail, les associations sont encore visées par d’autres articles.
Dans un second volet appelé avec une ironie orwellienne « Garantir le libre exercice du culte », il se propose de :
- Inscrire le principe de neutralité (religieuse) des agent-e-s de droit privé chargés d’une mission de service public (entreprises de transport, Aéroports de Paris, etc.) Jusqu’ici, la jurisprudence prévalait. Le statut de ces agent-e-s est relayé au second plan face au fait qu’iels concourent à l’exercice d’une mission de service public. En effet depuis un arrêt de 1950, le Conseil d’État a jugé que « le devoir de stricte neutralité s’impose à tout agent collaborant à un service public »
- Créer le délit de « séparatisme » : l’article 4 vise à punir de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende toute personne menaçant, violentant ou intimidant un-e élu-e ou un-e agent-e du service public dans le but de se soustraire aux règles des services publics.
- Faire qu’une « interdiction de paraître dans les lieux de cultes (puisse) être prononcée par le juge (…) en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, la haine ou la violence ».
Cette extension du domaine de “neutralité religieuse” prévue par la loi aura pour conséquence l’accroissement de la précarité et une exclusion d’autant plus forte des personnes musulmanes et plus spécifiquement les femmes qui portent le foulard de la vie civile.
C’est aussi un coup pour la vie associative qui se voit soumise à l’élargissement des motifs de dissolution au nom du principe de “neutralité religieuse” ou à une limitation des subventions publiques.
Enfin la traque des associations cultuelles et des lieux de cultes va à l’encontre de la liberté religieuse et la laïcité inscrite dans la loi de 1905.
D’ailleurs ce dimanche 14 mars 2021 un rassemblement est prévu à Paris, cette date n’est pas anodine, elle survient 2 ans après l’attaque terroriste du suprémaciste blanc, membre bienfaiteur de Géneration Identitaire, à Christchurch en Nouvelle-Zélande. Mais aussi 17 ans après l’interdiction du port du foulard à l’école par la loi du 15 mars 2004, qui pose la première pierre de dispositifs législatifs ayant pour but le contrôle du corps des femmes et filles musulmanes et qui sert de phares aux textes qui ont suivi et continuent à émerger de la plume du législateur.
Qu’en pensent les gens et les acteurs sociaux ?
La défenseure des droits Claire Hédon dénonce les« risques d’atteinte aux libertés », tout comme la CNCDH (Commission consultative des droits de l’homme), selon laquelle la loi contient des « mesures disproportionnées qui portent atteinte aux libertés fondamentales ».
Dans un appel confié à Mediapart, trente-trois personnalités de la société civile ayant voté pour Emmanuel Macron en 2017 (du moins au 2ème tour) lui demandent le retrait de projets de lois qui font « reculer les libertés d’information, d’opinion, de croyance, d’éducation, d’association, de manifestation et de contestation ».
Dans une lettre ouverte, des organisations dont la Ligue des Droits de l’Homme, pointent du doigt que la criminalisation d’un concept vague est typique des états autoritaires, qui s’en servent pour opprimer les minorités religieuses et emprisonner les opposant-e-s politiques.
Plus important, car émanant de collectifs de personnes concernées, le Front contre l’islamophobie et pour l’égalité des droits de toutes et tous, déclare notamment :
« Avec un cynisme démesuré, le gouvernement instrumentalise le terrorisme, ses victimes et nos émotions pour faire de chaque musulman.e un ennemi de l’intérieur. De la chasse à de prétendus « signaux faibles » à la focalisation sur le port du foulard, à travers une pluie d’amendements à ce projet de loi, nos vies, nos coutumes, nos pratiques, notre foi sont épiées, traquées, disséquées, essentialisées, stigmatisées et infériorisées. »
Et vous, les Ourses à plumes ?
Les Ourses à plumes n’ont jusqu’ici pas spécifiquement pris part aux luttes contre l’islamophobie, bien que nous les soutenions sur le principe, car en vertu de notre ligne éditoriale, nous luttons contre la xénophobie sous toutes ses formes, dont l’islamophobie. Face à cette loi, nous avons décidé de signer en tant que soutien l’appel du Front contre l’islamophobie et pour l’égalité des droits de toutes et tous : https://www.facebook.com/103229151806916/posts/103243608472137/?d=n
Nous appelons à rejoindre les collectifs en lutte contre ce projet de loi :
- LUNDI 15 MARS, AU SOIR : Meeting national EN LIGNE pour revenir sur la nécessité de se mobiliser contre ce projet de loi
- DIMANCHE 21 MARS : Manifestation nationale contre le projet de loi séparatisme et l’islamophobie.
N’hésitez pas, si vous êtes une orga musulmane à signer l’appel suivant ; sinon vous pouvez signer en tant que soutien : https://www.facebook.com/103229151806916/posts/103243608472137/?d=n
Dans tous les cas, nous vous invitons à relayer et signifier votre soutien à cette mobilisation, lors des prochaines rencontres et partout où vous le pourrez.