L’émergence d’identités multiples issues de ce qu’on appelait il y a 70 ans la « communauté homosexuelle », fait suite à un besoin de mettre en avant des oppressions et des revendications spécifiques.
La communauté bisexuelle fait partie de la vague de la fin des années 1990/début des années 2000. Une seule association exclusivement bisexuelle en France : Bi’cause, et une date qui commence à rassembler de plus en plus d’évènements le 23 septembre.
La biphobie, une réalité quotidienne
Pourquoi ce besoin de valoriser la bisexualité ? Parce qu’il s’agit toujours d’une identité stigmatisée. Dans la communauté lesbienne, les femmes revendiquant leur bisexualité peuvent être violemment rejetées comme « traîtresses », voire comme le vecteur des MST qui atteignent leurs partenaires, bref comme « salies », moralement ou physiquement. Du côté de la société hétéropatriarcale, la bisexualité est toujours présentée comme une « phase », une « mode », un fantasme de mâle hétéro qui reste par essence insatisfaisant.
« Ma copine et moi avons été très soutenues par son père quand nous sommes sorties ensemble quand on avait 15 ans, mais quand on a quitté le lycée, il a commencé à lui dire que ça suffisait, qu’il fallait qu’elle passe aux choses sérieuses… c’est-à-dire aux mecs » (C.)
Les bisexuel-le-s sont encore accusé-e-s d’infidélité, d’instabilité émotionnelle et sentimentale, de voracité sexuelle (pour les femmes, de nymphomanie, avec toute la charge sexiste qui s’y attache)…
Tout se passe comme si le fait d’être attiré-e par des gens qui vivent socialement dans le même genre entre elles/eux était l’évidence, et que la fidélité était mieux assurée si seule la moitié de la population est concernée. Et puis ce n’est pas parce qu’on est attiré-e-s par des hommes et des femmes qu’on est attiré-e-s par TOUS les hommes et TOUTES les femmes !
« J’ai toujours été attirée par des mecs aussi, mais politiquement je trouvais ça important de me revendiquer comme lesbienne. L’autre jour j’ai embrassé un mec ; quand je l’ai raconté à mes amies de la communauté, elles m’ont dit que c’était dégueulasse » (B.)
Par ailleurs, il est évident que dans nos sociétés hétéropatriarcales, des relations sexuelles et/ou sentimentales avec des hommes ou des femmes cis ne peuvent évidemment pas être symétriques. En tant que femme, des rapports avec un homme impliquent toujours des rapports de domination ; ce n’est pas toujours le cas avec une femme, et en tout cas jamais dans les mêmes dimensions. Enfin, les bisexuel-el-s ne sont pas nécessairement autant attiré-e-s par les hommes que par les femmes. Pour être biE, il suffit d’être occasionnellement attiré-e par des personnes des deux genres à un moment ou à un autre – et même si on en reste aux fantasmes – et ce sexuellement ET/OU romantiquement.
« Il y a plein de meufs que je trouve très belles, mais je n’ai eu que des relations hétérosexuelles jusqu’à aujourd’hui… Je ne sais pas à qui en parler, ni où rencontrer des filles car souvent sur les annonces en ligne c’est écrit « pas de bies » ». (S.)
BiE ou pan ?
Depuis quelques années et les avancées de visibilisation des mouvements trans et intersexe, le terme de « bisexualité » est remis en cause. En effet, cette polarisation « binaire » sur les deux genres sociaux masculin/féminin ne permet pas de tenir compte des trans*, enby (n/b: non-binary = non-binaire), genderqueer, agenres, neutrois, intersexes… Bref du continuum des genres.
Bisexualité : attirance sexuelle et/ou romantique pour des personnes du même genre que soi et, selon les conceptions, pour des personnes du genre opposé, ou pour des personnes de tous genres.
Pansexualité : attirance sexuelle et/ou romantique pour des personnes quel que soit leur genre.
Le débat fait rage, avec l’émergence de plus en plus importante du terme « pansexuel-le-s » ces dernières années, en tout cas dans la communauté MOGAI (Marginalized Orientations, Genders, Asexuals & Intersexs = Genres et orientations marginalisés, asexuel-le-s et intersexes, un terme qui émerge face à la démultiplication du sigle LGBTIQQAPP…).

Un drapeau a même été créé en 2010. Mais certains (ici ou là) revendiquent de conserver le terme de « bi » qui commence à être intégré à l’imaginaire collectif et garde un poids politique et intime. Mais le terme « pansexuel-le » commence à être utilisé sur des médias grand public également (par exemple là ou là)… avec les mêmes termes racoleurs et caricaturaux que sur la bisexualité.