Le personnage de la femme de ménage, au cinéma, est souvent à la fois relégué au second plan mais aussi crucial dans le dénouement des intrigues. Méprisée et à la fois au coeur de l’intime, cette figure complexe a été choisie par la réalisatrice Ahu Öztürk pour son premier long métrage, « Dust Cloth » (chiffon à poussière).

On comprend assez vite qui est ce « chiffon à poussière ». Nesrin et Hatun, deux femmes de ménage kurdes à Istanbul, se considérant comme des « soeurs ». A la fois confidentes et transparentes auprès de leurs employeuses, ce rôle ambivalent a des effets pervers. « Vis ta vie ! » conseille une patronne à Nesrin. « C’est impossible avec ce travail précaire », lui répond-t-elle. « Alors, trouve un autre travail ». Facile à dire ! Si les employeuses essaient de se la jouer bienfaitrices en partageant parfois leurs repas avec leurs femmes de ménage, elles se gardent bien de les augmenter…
Femmes de ménages, mères et kurdes
Ces femmes ont une double journée. Si l’une travaille en emmenant sa petite fille avec elle, l’autre a son mari et un adolescent à nourrir à la maison. Tandis que les femmes cuisinent, les hommes s’allongent sur le canapé devant la télé.
Mais c’est aussi la triple peine, pour ces femmes kurdes, qui subissent un racisme à peine voilé. « L’idée est venue d’une histoire personnelle, une femme de ma famille venue pour voir mon fils, a été étonnée de voir que mon fils avait les yeux verts… et donc d’origine circassienne. Je rends aussi hommage à ma tante, femme de ménage », raconte Ahu Öztürk. « Jusqu’aux années 1990, l’existence des Kurdes était niée en Turquie. Le personnage d’Hatun renie d’ailleurs son identité et rêve de vivre dans les beaux quartiers », souligne-t-elle.
Un coup de coeur pour ces femmes courageuses qui n’ont pas leur langue dans leur poche. Un beau film à voir, même si on va forcément sortir les mouchoirs !
Prochaine séance au Festival international des films de femmes de Créteil : lundi 21 mars à 17h