Body-positif : on fait le point sur la grossophobie – Partie 2

Quels liens entre la grossophobie et le sexisme ?

Le féminisme body-positif rejette le diktat du « corps idéal » : accepter son propre corps, tel qu’il est a aussi pour enjeu de cesser de ne voir les autres corps qu’à travers le prisme déformant de ce modèle prétendument idéal. Promouvoir l’estime de soi revient à lutter contre les stéréotypes quels qu’ils soient qui emprisonnent les corps dans des modèles qui, en plus, ne vont à personne.

Nous avons fait le point avec des blogueuses engagées dans la lutte contre la grossophobie : Olga, qui a créé le blog L’utoptimiste , Gaëlle, du blog Mince, t’es grosse ! Et Laurence, qui blogue sur Coups de Gueule de Lau et modère le groupe facebook « Anti-grossophobie/fat-shaming« .

Est-ce que les comportements grossophobes sont liés au sexisme ?

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Crédits © Marine (https://dansmontiroir.wordpress.com/)

Gaëlle : Être femme et grosse c’est cumuler deux oppressions, ça c’est un fait. […]

Laurence : Ils sont partiellement liés au sexisme. Ils sont clairement plus présents pour les femmes ou personnes assignées comme telles, ça c’est indiscutable. L’impact de la validation sociale sur le physique est de toutes manières plus grand pour les femmes ou personnes assignées comme telles […] Donc oui, le sexisme renforce la grossophobie ET la grossophobie renforce le sexisme. Par contre, je pense que c’est aussi important de souligner le fait que, d’une manière différente, elle touche également les hommes. Remarque, c’est aussi en lien partiel avec les injonctions sexistes, ou plus précisément virilistes dans ce cas là : un mec gros, c’est pas vraiment conforme à la vision du mec musclé, fort, sportif, performant qui est « l’idéal à atteindre » (pour se conformer aux normes…).

Olga : La grossophobie touche aussi les hommes, mais dans une moindre mesure vu que dans les représentations patriarcales des genres, leur physique à eux, ne définit par leur valeur d’être humain. Mais oui, elle est profondément sexiste. Car renvoyer les femmes à leur silhouette, les forcer à se priver, se démener pour devenir ou rester mince est une manière d’en contrôler le corps mais aussi l’esprit : tant que l’on compte les calories et que l’on pleure sur ses capitons, on a moins de temps à consacrer à la lutte pour une vraie égalité femme-homme.

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Crédits © Marine (https://dansmontiroir.wordpress.com/)

La société nous impose des modèles, existe-t-il une grossophobie intégrée ?

Olga : Bien sûr ! Depuis le berceau on a grandi avec l’idée qu’être mince c’est bien mais qu’être gros.se c’est la pire chose qui puisse t’arriver, on ne se débarrasse pas de cette certitude d’un coup de baguette magique. Même en apprenant à aimer son corps tel qu’il est et en étant body positive (ce qui est un vrai travail sur soi, de tous les instants), on a encore des mauvais jours à se trouver aussi « dégueulasse » que l’image que la société nous renvoie en permanence. Et je ne parle même pas des personnes qui sont dans la haine d’elles-mêmes au quotidien.

À mon sens, le pire en la matière, ce sont les « ex-gros.ses » qui deviennent de véritables porte-paroles du régime, qui te vantent les mérites de s’affamer ou de se torturer pendant des heures et des heures à la salle de sport avec un discours de personne « repentie ». Pourtant, nombreux sont les témoignages de gen.te.s qui constatent que leur perte de poids n’a rien changé à leur estime d’elleux-mêmes, car la grossophobie et le concept de « ne jamais être assez bien », surtout pour les femmes, est ancré très profondément.

D’ailleurs, la grossophobie n’est pas la seule conséquence du « modèle unique » de beauté que l’on nous impose. Car « l’idéal » est non seulement mince, mais il est aussi blanc, valide, cisgenre (et hétéro bien sûr) et jeune. Contrairement aux interprétations hâtives du mouvement body positive en France qui voudraient le réduire à « grosses vs minces », ce militantisme corporel tend à revaloriser les corps et les vies des nombreuses personnes invisibilisées par ces normes excluantes. Y compris les personnes se trouvant dans les canons de beauté incriminés, car iels sont aussi loin d’être insensibles aux pressions de la société quant à leur image.

Laurence :  Oh que oui. Et elle fait énormément de dégâts. La honte de son propre corps, que nous inculque une société grossophobe, elle est très difficile à combattre. Très sincèrement, je ne connais pas une seule personne grosse qui ne soit pas passée dans une certaine mesure par cette honte… Ça peut aller jusqu’à la dépression, jusqu’à la haine de son corps, jusqu’à des comportements à risque. Je reste persuadée que cette grossophobie intériorisée joue un rôle dans des troubles alimentaires tels que l’anorexie ou la boulimie vomitive. Ça n’est évidemment pas l’unique facteur, et ça serait très réducteur de limiter ça à cet aspect, mais ça fait partie de la donne, clairement. J’ai mis des années à me débarrasser de cette honte de mon corps. Si maintenant je peux dire que je vis bien mon poids, c’est vraiment très loin d’avoir toujours été le cas.

Le troisième volet de notre entretien sera consacré aux moyens de lutte contre la grossophobie.

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