Un père qui assume
La première chose évidemment c’est de ne pas fuir. Un enfant, ça se conçoit à deux. Et un échec de contraception doit être assumé par les deux personnes. Si pour plein de raisons valables la femme ne veut ou ne peut pas recourir à une IVG, le père féministe assume sa part de responsabilité et ne s’enfuit pas comme un lâche. Il ne participe pas à la création d’une des 1,5 million de familles monoparentales qui sont à 85% assumées par des mères célibataires et à 34,5% sous le seuil de pauvreté.
En cas de séparation, le père féministe, qui comme les hommes est en moyenne payé 19,2 % de plus que la mère, participe aux frais d’éducation. Il ne fait pas partie des 40% de pensions alimentaires mal ou pas du tout payées – phénomène qui impacterait 3 millions d’enfants.
Un père présent au quotidien

Notre père idéal, c’est aussi celui qui participe en pratique à l’éducation des enfants. Il ne se contente pas de rapporter au foyer une part de l’argent plus aisément gagné grâce à son privilège masculin. Il ne se contente pas non plus d’être le papa « cool », avec qui les enfants jouent (la tâche domestique la mieux répartie entre pères et mères, respectivement 46%-54%…). Il sait assumer les tâches ingrates, comme la lessive et le repassage, la vaisselle et les courses du samedi. Il ne prend pas prétexte des 19 minutes passées au bricolage, repassage, ou à sortir le chien, pour invisibiliser les 1h45 de plus que sa compagne accomplit chaque jour en soins aux enfants et adultes, ménage, repassage et cuisine. Au contraire, il rééquilibre cette division du travail. A ce titre, le père féministe est une brillante exception dans une société qui voit toujours les deux tiers du travail domestique assumé par les femmes.
Le père idéal, c’est aussi celui qui ajuste ses horaires de travail pour emmener et ramener ses enfants de l’école, qui les emmène au médecin, qui pose des jours quand les enfants sont malades ou qu’il y a grève. C’est aussi celui qui aide à faire les devoirs – à l’heure actuelle les mères passent en moyenne 56 min/semaine au suivi scolaire de leurs enfants, contre 21 min/semaine pour les pères.
Il assume, comme la mère, les petits conflits quotidiens avec sa progéniture, qui font partie de l’éducation, au lieu de se poser en Zeus dans son Olympe en laissant le mauvais rôle à la mère.
Un père non-violent
Cela peut paraître évident mais apparemment ça ne l’est pas pour tout le monde : le père idéal n’est pas violent. Ni en paroles, ni en gestes. Il ne frappe pas, ne viole pas. Ni sa femme ni ses enfants. Et d’ailleurs, il évite aussi de les tuer. Après tout, ce n’est pas si évident que ça, puisqu’une femme décède tous les 2,7 jours sous les coups de son conjoint et que les meurtres conjugaux représentent 1/5 des homicides en France. Bien sûr, cela a un impact sur les enfants. En 2014, c’est 110 enfants qui se sont retrouvé-e-s orphelins suite à un meurtre conjugal, dont 14 étaient présent-e-s au moment des faits. Rappelons aussi qu’un tiers des viols dont nous avons connaissance sont le fait du compagnon de la victime.
L’impact des violences conjugales sur les enfants est maintenant bien connu et les résultats sont sans appel : 60% des enfants exposés à des violences conjugales développent des troubles psychotraumatiques sévères. Il est impossible d’être un bon père quand on violente la mère – ou n’importe qui d’ailleurs. D’ailleurs 40% des violences conjugales commencent lors de la première grossesse, ce qui lie bien trop gravement les deux thématiques.
Les violences contre les enfants, de la maltraitance psychologique aux assassinats, en passant par les violences physiques et/ou sexuelles, sont toujours mal connues aujourd’hui. On sait que dans les pays riches, c’est au moins 10% d’enfants qui sont concerné-e-s. Selon les statistiques du 119, les mères sont responsables majoritairement des négligences lourdes, des conditions d’éducation compromises, et des violences psychologiques, et les pères des violences physiques et sexuelles. Une répartition fortement liée aux rôles sociaux de genre.
Un pro-féministe actif
Être un père féministe, ce n’est évidemment pas seulement prendre en charge sa part des tâches ménagères et s’abstenir de tout comportement violent. C’est aussi remettre en question, dans l’éducation de sa progéniture, les stéréotypes de genre. Valoriser les comportements empathiques chez les garçons, et l’affirmation de son individualité chez les filles. Choisir des jouets sans en rester à la répartition des catalogues de jouets en bleu et rose; favoriser les savoirs ménagers et les soins chez les garçons, l’imaginaire et l’aventure chez les filles.
Cela signifie aussi éduquer ses enfants dans le respect du consentement et dans le respect de la diversité amoureuse et sexuelle. C’est enfin ne pas discriminer les filles et les garçons, que ce soit dans les tâches ménagères, le travail scolaire, ou les sorties.
Tout cela peut engendrer une certaine désapprobation sociale. Mais gardons à l’esprit que cela n’aura rien de commun avec une oppression vécue. Trahir sa position de dominant et le système qui la maintient, c’est bien cela que l’on attend d’un allié.

Les « nouveaux pères » célébrés dans les médias restent une minorité. Même s’il faut bien sûr les encourager, ils sont l’arbre qui cachent la forêt. Massivement, les comportements des pères évoluent peu. L’éducation genrée, la pérennité du patriarcat, la division sexuelle du travail, rien des structures sociales traditionnelles ne favorise une meilleure répartition des tâches. Le renvoi dans la sphère privée d’une large partie de l’éducation et des soins aux enfants se fait toujours au détriment des femmes. Les pères, individuellement et collectivement, seront-ils capables de remettre en question un système qui les avantage matériellement ? La paternité est-elle une motivation suffisante ?
Sources : Ministère des Familles, de l’Enfance, et des Droits des femmes, Observatoire des Inégalités, INSEE, Haut Conseil à l’égalité femmes/hommes, 119.