Médias lesbiens : quelle stratégie ?

La récente liquidation de Yagg, venant après la disparition de Têtue suite au rachat de Têtu, pose la question du modèle économique des médias LGBTIQ+, et en particulier ceux destinés aux femmes qui aiment les femmes (on entendra ici lesbien au sens politique, pouvant inclure les bisexuelles). Dans la presse française, 3 titres spécialisés se maintiennent, avec 3 modèles économiques radicalement différents : Well Well Well, Jeanne Magazine, et Barbi(e)turix.

Well Well Well, un mook rare et précieux

L’équipe intégralement bénévole de Well Well Well a constaté le manque d’intérêt des annonceurs pour le public lesbien et parié sur le crowdfunding et la vente papier. A 15 euros le numéro, annoncé comme semestriel mais rapidement raréfié, le magazine se veut un bel objet, un mook, à mi-chemin entre magazine et livre (book) avec ses 128 pages. Les ventes de chaque numéro, par Internet ou dans les librairies sympathisantes, financent l’impression du suivant. Graphique, le magazine est aussi très communautaire, centré sur des personnalités, des références culturelles et une histoire militante collective – et refuse les pages conso ou beauté.

Crédits photos : Well Well Well – DR

Jeanne, magazine numérique

Si certains de ses articles sont accessibles gratuitement, le modèle économique de Jeanne est bien l’abonnement, à 27 euros par an. Magazine numérique avec une appli dédiée, Jeanne tient le pari du numéro mensuel avec  34 publications de 90 pages chacune depuis février 2014. Renforcé par diverses offres et une boutique qui propose d’autres produits thématiques, le magazine semble toujours dynamique. Son approche, plus proche du rubriquage des magazines féminins classiques, se centre davantage sur le vécu des lesbiennes et des femmes en général, de façon plus accessible peut-être, moins pointu politiquement, aussi.

Crédits photos : Jeanne Magazine – DR

Barbi(e)turix, le fanzine communautaire

Barbi(e)turix, c’est d’abord une équipe bénévole, militante, qui organise des soirées dont la fameuse Wet for Me qui rassemble environ 2000 personnes à chaque édition. Profondément ancrée dans le milieu lesbien parisien, la ligne du webzine favorise les questions culturelles, avec un angle militant plutôt minimal. L’association Barbi(e)turix a d’ailleurs rejoint l’Inter-LGBT, et a vu ses relations rompues avec Yagg suite à un article jugé biphobeBarbi(e)turix, c’est donc d’abord un média communautaire, culturel et de sociabilité lesbienne.

Comme la disparition de Yagg l’a montré, la pérennité  financière des médias LGBTIQ+ demeure un défi. Entre précarité et bénévolat, les publications éphémères sont à l’image d’une communauté fragile, qui peine à se construire collectivement en sujet politique, sous les coups de boutoir réactionnaires. A la fois outils de renforcement de la communauté et symptômes de sa faiblesse, les médias lesbiens et leurs difficultés démontrent aussi le peu de place laissé aux problématiques féminines dans un mouvement toujours dominé par les hommes cisgenres.

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