Moi les hommes, je les déteste : un éloge de la misandrie qui dérange

Publié le 19 août 2020 chez Monstrograph, micro-maison d’édition associative, l’essai Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange est depuis quelques jours sous le feu des projecteurs. Mediapart a en effet révélé que Ralph Zumély, chargé de mission au ministère délégué à l’égalité femmes-hommes, tente d’en interdire la publication.

« Outre le fait qu’elle décrédibilise la cause des femmes, il paraît que la misandrie est très difficile à vivre pour les hommes : une violence insoutenable qui, à ce jour, totalise l’intolérable forfait d’exactement zéro mort et zéro blessé. Il paraît qu’avec toutes ces conneries féministes, #MeToo et tout ça, il est difficile d’être un homme de nos jours. Ils ne savent plus comment draguer, comment prendre l’ascenseur avec leurs collègues, comment faire des blagues… Qu’ont-ils encore le droit de dire et de faire ? »

(extrait du livre, p.10-11)

Dans ce court essai d’une petite centaine de pages, Pauline Harmange rappelle que la misandrie est un mécanisme de défense et ne peut pas être mise sur le même plan que le patriarcat, ni comparée à la violence sexiste. Elle explore les racines et les facettes de cette misandrie, qu’elle définit comme « un sentiment négatif à l’égard de la gent masculine dans son ensemble » (p.13). Elle aborde la répression de la colère des femmes : « parce qu’on n’aime vraiment pas les émotions qui débordent, surtout quand elles viennent des femmes, il a fallu longtemps pour qu’on réhabilite cette colère féminine » (p.50). Elle évoque enfin l’injonction à l’hétérosexualité et au couple hétérosexuel, et ouvre son livre sur un appel à la sororité et au girl’s club libérateur. 

La misandrie, un mécanisme d’autodéfense

Malgré son titre provocateur, qui peut être lu comme l’expression d’une misandrie assumée qui ne s’embarrasse plus de circonlocutions, l’essai est très loin de constituer une incitation à la haine. Il s’agit plutôt d’une synthèse claire et efficace, bien que parfois frustrante par sa brièveté, tentant d’expliquer et de donner du sens aux sentiments de lassitude, d’exaspération, de rejet, de colère qui peuvent naître de la confrontation quotidienne à l’injustice et aux comportements sexistes. La misandrie apparaît comme un mécanisme d’autodéfense, un outil de renversement de la domination, reposant sur la nécessité d’arrêter de ménager le sentiment des hommes cisgenres et sur la revendication de la légitimité de notre colère. 

Pourtant, dans un article publié par Mediapart le 31 août 2020, on apprend que Ralph Zurmély, qui se présente comme « chargé de mission accès aux droits » au « Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie personnelle et sociale (B2) » à « la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) » du « ministère délégué à l’égalité femmes-hommes, à la diversité et à l’égalité des chances », a envoyé un mail à la maison d’édition le jour de la sortie de l’ouvrage. Sans pour autant avoir demandé à le lire, il dénonce une « ode à la misandrie » et demande le retrait du livre. Il a depuis réitéré ses menaces dans un mail adressé à Mediapart, où il s’appuie sur l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 qui punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende toute provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre », et annonce que, si le livre n’est pas retiré de la vente par la maison d’édition, il se verra « obligé de transmettre au parquet pour poursuites judiciaires. Le parquet appréciera des suites qu’il conviendra de donner à cette affaire. »

Monstrograph a depuis fait savoir que, victime de son succès (2500 exemplaires vendus en deux semaines), le livre était en rupture de stock et ne serait pas réédité chez elleux par manque de moyens. Monstrograph et l’autrice sont toutefois à la recherche d’une nouvelle maison d’édition, dont le nom devrait être annoncé prochainement. En attendant, il est possible de s’inscrire pour être informé-e de la remise en vente de l’ouvrage.

 

Pauline Harmange écrit également sur le blog Un invincible été

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