Lancé en avril 2020, pendant le confinement en France, notre concours « Pourquoi je suis devenuE féministe » a remporté un beau succès, avec 35 participations. Voici l’une d’entre elles.

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce que ce midi, à la télé, trois personnalités ont été invitées pour discuter de « la société après le Covid ». Trois invités. Trois hommes. Aucune femme. Une prise de parole 100% masculine. Ça donne une idée de la tronche patriarcale de la « future » société.

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce que ce soir, mon ancien amoureux m’a appelée pour papoter. Et j’ai pris des nouvelles. Et je lui ai demandé comment il allait. Et j’ai posé des questions. Et j’ai fait en sorte qu’il n’y ait pas trop de silences qui s’éternisent. Une belle prouesse de « travail conversationnel », cette charge dont on a pourtant déjà tant discuté et qui n’est toujours pas bien partagée.

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce que cette semaine, mon papa a écouté le dernier épisode de ce podcast féministe qu’il suit de près. Pour ensuite m’expliquer tel et tel concepts qu’il semble découvrir, sur un ton naïvement infantilisant et paternaliste. Mansplainer un podcast féministe, ça vaut bien 100 points !

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce qu’à la coloc il y a quelques semaines, j’émergeais de ma grasse mat’ et entendais les douces voix des êtres avec qui je vis. Je tends l’oreille et perçois un dialogue aux sonorités masculines. Pourtant, autour de la table, il y a six convives. Quatre meufs et deux gars. Elles qui de temps en temps glissent une phrase et eux, en minorité et pourtant chefs d’orchestre de la conversation.

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce qu’il y a quelques mois lors d’une réunion militante, je donne une info aux nouvelles-aux venu-es. A peine terminé, j’entends un écho troublant : un ami répète pratiquement mot pour mot ce que je viens de dire. Fallait-il que ça sorte de sa propre bouche pour que l’info soit validée ?

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce qu’au bureau, mes seize collègues femmes et moi-même ne sommes pratiquement jamais les premières à prendre la parole en réunion. C’est l’unique mec de la bande qui s’en charge.

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce que commencer à prendre la parole par une excuse et parler sans assurance, c’est quelque chose que je maîtrisais bien (quelle ironie !). Oser parler en groupe, au milieu d’inconnu-es, c’est risquer de rougir, ce gros complexe que je traine depuis toujours. Plus qu’une histoire de capillaires sanguins ou de malchance épidermique, c’est pour moi un beau challenge féministe !

Pourquoi je suis devenue féministe ?

Parce que les mots ne sont pas neutres. S’exprimer avec des phrases, c’est magique et puissant. Le langage est un outil qui met en mots ce qui se passe en nous et autour de nous. Et autour de nous, c’est la société patriarcale qui déploie ses tentacules jusque dans la parole. Ce qu’on prend parfois pour des anecdotes est finalement un jeu de pouvoir. Prendre la parole et la garder, c’est avoir le monopole dans la conversation et finir par amener la personne assise en face à se taire. Et cette personne, c’est bien souvent une femme.

Mafalda

Palmarès du concours
Catégorie « formats originaux »
1 – Caillou dans la chaussure, Anouk
2 – Comme une évidence, d’Ebène
3 – Quelques riens, Csil

Catégorie « textes »
1 – L’histoire d’un cheminement, Susy Garette
2 – Rester en vie, Ju
3 – Paye ton neutre, Feuillue