Les thérapies de conversion : entre psychiatrisation de l’homosexualité et fondamentalisme religieux

Alors que la députée LREM Laurence Vanceunebrock a déposé le 23 mars 2021 une nouvelle proposition de loi pour interdire les thérapies de conversion, ces traitements pseudo-scientifiques, qui ont pour but de “soigner” les personnes homosexuelles et transgenres, existent toujours dans l’Hexagone et ailleurs. Afin de comprendre leur survivance, nous proposons un retour sur l’assimilation de homosexualité à une maladie mentale, une perspective historique sur leur développement et un bilan sur la législation en vigueur.

Photo de Ramesh Lalwani, prise durant la Queer Pride celebration de New Delhi, le 29 juin 2008. 

[Trigger warnings : évocations de viol, de violences physiques et psychologiques homophobes, lesbophobes et transphobes, d’actes de torture]

Lire l’homosexualité comme une maladie mentale : l’influence de la psychiatrie et du modèle de la famille bourgeoise

Pour comprendre les thérapies de conversion, il faut d’abord se pencher sur l’histoire du traitement de l’homosexualité et de son assimilation à une maladie. Dans le monde académique, les premiers travaux sur l’homosexualité sont pour l’essentiel des travaux psychiatriques, d’où une lecture d’emblée médicale de la question de l’homosexualité. 

Chloé Leprince retrace ici cette histoire, en se basant notamment sur l’analyse qu’en a fait Michel Foucault. Dans La Volonté de Savoir, le premier volume de son Histoire de la Sexualité (paru en 1976), le philosophe désigne la date de 1870 avec la publication de “l’article de Westphal” comme un tournant : Carl Westphal, un psychiatre allemand, dessine l’idée d’une “conträre Sexualempfindung”, c’est-à-dire “sentiment” ou “sens sexuel contraire”, qui débouchera sur le terme “inversion”. Cette inversion est une perversion pour le psychiatre. Selon Foucault, c’est avec cet article que “la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l’homosexualité s’est constituée”. 

En 1886, en Autriche, un autre psychiatre, Richard van Krafft-Ebing, publie un ouvrage qui restera un classique jusque tard dans le XXème siècle : il s’agit de Psychopathia Sexualis, une étude des perversions sexuelles. Son approche achève de médicaliser l’homosexualité, présentée comme une perversion sexuelle congénitale. Pour Richard van Krafft-Ebing, cette pathologie serait même le signe de la dégénérescence de toute une lignée familiale. 

Les travaux du psychiatre Sigmund Freud (1856-1939) rejettent ces hypothèses : il affirme que la sexualité s’acquiert au cours de la vie d’un individu et est déclenchée par l’environnement. Il croit cependant que l’homosexualité est un comportement pervers et inhabituel, et l’explique par plusieurs théories : la non résolution du complexe d’Oedipe, ou la fixation à des stades précoces de développement (stade oral, stade anal). Si ses recherches contribuent à dépsychiatriser l’homosexualité, elle reste considérée comme une déviance, une perversion. 

A la fin des années 1920, les psychiatres sont relayés par des endocrinologues, qui se demandent plutôt si l’attirance pour une personne de même sexe ne proviendrait pas d’un déséquilibre hormonal. Ainsi, à Buchenwald, l’endocrinologue danois Carl Vaernet, arrivé en Allemagne en 1942, poursuivra avec le soutien de Himmler ses expériences hormonales destinées à soigner l’homosexualité. 

Selon Foucault, cependant, la stigmatisation de l’homosexualité n’est pas seulement due à ces travaux médicaux. En 1961, il aborde dans son Histoire de la folie à l’âge classique l’importance de l’affirmation du modèle de la famille bourgeoise, long processus vieux de plusieurs siècles, dont il parle comme d’un processus de rationalisation :

“En un sens, l’internement et tout le régime policier qui entoure [l’homosexualité] servent à contrôler un certain ordre dans la structure familiale, qui vaut à la fois comme règle sociale, et comme norme de la raison. La famille avec ses exigences devient un des critères essentiels de la raison ; et c’est elle avant tout qui demande et obtient l’internement. On assiste à cette époque à la grande confiscation de l’éthique sexuelle par la morale de la famille […] Aux vieilles formes de l’amour occidental se substitue une nouvelle sensibilité : celle qui naît de la famille et dans la famille ; elle exclut, comme étant de l’ordre de la déraison, tout ce qui n’est pas conforme à son ordre ou à son intérêt. […] Finalement, c’est le décret de la Constitution qui créa les tribunaux de famille en 1790 […] Sans doute ces tribunaux ont fonctionné d’une manière assez défectueuse et ils ne survivront pas aux diverses réorganisations de la justice. Mais il est assez significatif que, pour un certain temps, la famille elle-même ait été érigée en instance juridique, et qu’elle ait pu avoir à propos de l’inconduite, des désordres, et de différentes formes d’incapacité et de la folie, les prérogatives d’un tribunal. Un moment, elle est apparue en toute clarté ce qu’elle était devenue et ce qu’elle allait rester obscurément : l’instance immédiate qui opère le partage entre raison et folie”

Dans les années 1960-1970, le débat fait rage. En France, l’amendement Mirguet est voté le 18 juillet 1960 : il classe l’homosexualité comme “fléau national” (comme l’alcoolisme, la toxicomanie ou la tuberculose), permettant au gouvernement de prendre toutes les mesures qu’il juge utile pour la combattre. Pendant ce temps, aux Etats-Unis, l’antipsychiatrie, s’inspirant notamment des idées de Foucault, soutient que la maladie mentale est un mythe et que la psychiatrie ne sert qu’à assurer le contrôle des individus non conformes. Devant les critiques grandissantes, les psychiatres américain-e-s finissent par établir le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), la classification américaine des maladies mentales, qui révolutionne l’histoire de la psychiatrie moderne. En 1973, un débat est organisé au sein de l’APA (Association des Psychiatres Américains), avec pour thème “L’homosexualité est-elle un diagnostic ?”. La même année, le terme “homosexualité” est finalement retiré de la classification américaine des maladies mentales à l’issue d’un scrutin réunissant plus de 10.000 psychiatres qui ont voté à 58% de voix pour et 37% de voix contre. Cependant, le DSM garde l’appellation d’ “homosexualité ego-dystonique” (en désaccord avec les valeurs propres de la personne et donc susceptible de mener à une souffrance psychique), qui disparaît en 1984.

A cette époque, la France se réfère elle à la Classification Internationale des Maladies de l’OMS, et ratifie en 1968 le classement qui fera de l’homosexualité une mentalité mentale. L’OMS cessera seulement en 1990 de considérer l’homosexualité comme une maladie mentale et il faudra attendre 1992 pour que la France ne considère plus l’homosexualité comme une pathologie psychiatrique.1

Cette assimilation de l’homosexualité à une maladie mentale a survécu. Pour ne donner que quelques exemples, en 2011, un médecin allemand, Gero Winkelmann, membre de l’association catholique Bund Katholischer Ärzte (BKÄ), propose de soigner l’homosexualité par l’homéopathie2, idée reprise par un médecin français en 20183 ; la même année, le Pape François recommande aux parents qui viendraient à constater des “penchants homosexuels” chez leurs enfants d’avoir recours à la psychiatrie.4

La prolifération des thérapies de conversion : le rôle conjugué de la médecine et de la religion

Considérer l’homosexualité comme une maladie permet de justifier qu’on tente de la soigner. Le terme “thérapie de conversion” apparaît aux Etats-Unis dans les années 1950. Avant cela, des thérapies “douces” sont utilisées aux XIXème et XXème siècles comme la mise au repos ou la prière. Ces pratiques sont peu décrites dans la littérature scientifique car elles ne sont pas conduites par des médecins mais plutôt par des groupes religieux, qui font souvent intervenir des “ex-gays” dans des groupes de soutien (ou de pression…). D’autres méthodes, plus intrusives, consistent en des rencontres obligatoires avec des prostituées ou des mariages imposés. 

Avec le temps, les méthodes deviennent plus violentes. La lobotomie, qui se développe au XXème siècle et connaît un essor surtout après la Seconde Guerre mondiale, est privilégiée comme traitement pour soigner ce qu’on considère être une maladie neurologique. On utilise également la castration (chimique ou chirurgicale) et les électrochocs. Aux Etats-Unis, on pratique beaucoup la “thérapie par aversion” jusque dans les années 1970 : elle consiste à montrer des images suggestives aux victimes et à leur administrer des électrochocs en cas d’excitation sexuelle visible, pour associer l’excitation homosexuelle à une souffrance par réflexe pavlovien. Avec les répétitions, le contenu homosexuel est supposément associé à un stress physique, et permettrait de guérir les sujets de leurs “tendances homosexuelles”.

Alors que les médecins abandonnent progressivement ces pratiques avec la dépsychiatrisation de l’homosexualité et la libération sexuelle des années 1970, les groupes religieux prennent le relais. Dès 1976, Exodus International, une nouvelle association chrétienne évangélique américaine,  affirme pouvoir guérir les homosexuel-le-s par une pratique religieuse intense. Son succès est immédiat et Exodus se développe dans tout le pays. Exodus génère d’autres mouvements aux Etats-Unis, dont le plus actif est Desert Stream/Living Waters, créé en 1980 par un pasteur évangéliste, Andrew Comiskey. Il parcourt les Etats-Unis et anime des conférences en parlant de sa propre expérience d’homosexuel “guéri”. 

Même si l’OMS raye l’homosexualité de la liste des maladies mentales le 17 mai 1990, ces associations passent outre et commencent à s’exporter. Desert Stream/Living Waters envoie des missionnaires à l’étranger pour se connecter à des congrégations locales. Ces missionnaires sont présents dans une quarantaine de pays, accueillis par les autorités religieuses. Living Waters débarque en France en 1995 sous le nom de Torrents de vie, et propose toujours aujourd’hui de “trouver des réponses aux questions de l’identité d’homme et de femme, des problèmes relationnels et des confusions au niveau de l’expression de la sexualité. Cela peut toucher tous problèmes de sexualité confondus, de l’hétérosexualité, des traumatismes suite à des abus sexuels, des problèmes de couple et de l’homosexualité.” 5

Du côté de l’Eglise catholique, il existe un apostolat pour venir en aide aux homosexuel-le-s : “Courage”, présent en France depuis 2014 et dans de nombreux autres pays. Tous les étés, Courage est accueilli par une communauté catholique de la mouvance du Renouveau charismatique6, l’Emmanuel, une association reconnue par le Vatican et notamment très active au sein de la Manif pour Tous. L’Emmanuel et Courage partagent la même conception de l’homosexualité, perçue comme un déficit de masculinité. 

On retrouve dans de nombreuses associations l’idée que l’homosexualité est un démon qui possède ses victimes : à Torrents de vie et ailleurs, l’exorcisme reste une pratique courante.

Photo de ninachildish prise à Chicago, en novembre 2016, lors d’une manifestation contre Trump.

La législation en France et ailleurs

Les thérapies de conversion sont interdites dans certains pays : Malte, Taïwan, l’Allemagne (pour les mineur-e-s) ou encore neuf États des Etats-Unis, qui ont interdit les procédures médicales visant à changer l’orientation sexuelle d’une personne. Le Brésil est le premier pays à les avoir bannies en 1999, mais en 2017, la justice fédérale est revenue sur cette décision en autorisant les psychologues à proposer des thérapies de conversion aux homosexuel-le-s.7

La Reine d’Angleterre a annoncé le 11 mai 2021 l’interdiction des thérapies de conversion qui devrait entrer en vigueur, après consultation, en Angleterre et aux Pays de Galles.8

Le 1er mars 2018, le Parlement Européen a voté un texte appelant les Etats membres à interdire les thérapies de conversion. Le texte a été adopté largement, avec 435 votes en faveur, 109 contre et 70 abstentions. 29 eurodéputé-e-s français-e-s, très majoritairement issu-e-s du Front National et des Républicains, ont voté contre ou se sont abstenu-e-s. Vous pouvez retrouver la liste ici

En France, ces pratiques sont encore légales, mais le débat autour de leur interdiction se fait plus vif depuis deux ans. Le 11 décembre 2019, Laurence Vanceunebrock, députée LREM, et Bastien Lachaud, député LFI, rendent publics leurs travaux dans le cadre d’une mission parlementaire sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Dans ce rapport (dont vous pouvez trouver une synthèse ici), iels établissent notamment que ces pratiques contribuent à accentuer la souffrance des victimes (dépression, troubles de la personnalité, idées suicidaires). Selon le rapport, une centaine de faits concernant ces pratiques ont été recensés, ces pratiques s’étendant et prenant une “ampleur inquiétante” : l’association le Refuge enregistre en moyenne une dizaine d’appels chaque mois en 2019, chiffre en forte hausse par rapport aux années précédentes. Cependant, les deux député-e-s soulignent qu’il n’existe pas de mesure objective des thérapies de conversion en France. Ce constat s’explique notamment par l’absence d’infraction spécifique qui empêche la collecte statistique, mais également par la crainte des victimes, qui sont parfois dans un tel état de fragilité qu’elles n’osent pas déposer plainte par peur de représailles. Le rapport préconise notamment l’instauration d’un délit spécifique dans le code pénal, affirmant l’interdiction des thérapies de conversion, qui aurait une valeur symbolique, mais aussi un rôle pédagogique en informant les personnes subissant ces pratiques et leurs aut-eur-rice-s qu’elles sont répréhensibles, et un rôle pratique, en permettant d’améliorer la lisibilité statistique de ce phénomène. 

En juin 2020, Laurence Vanceunebrock dépose une proposition de loi définissant une nouvelle infraction : “les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre vraie ou supposée d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale”. Le projet de loi prévoit également, entre autres, d’introduire une circonstance aggravante sur des infractions existantes, de renforcer l’enseignement des identités de genre et leur respect dans les établissements scolaires, et de faire produire au gouvernement un état des lieux précis de ces pratiques sur le territoire français. 

Cette proposition de loi peine à se faire une place dans le calendrier parlementaire. La prédécesseure d’Elisabeth Moreno au Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, annonce en octobre 2020, sans avoir prévenu Laurence Vanceunebrock, vouloir intégrer sa première proposition à la fameuse loi “séparatisme”, avant de renoncer. 

La mobilisation populaire autour du sujet lui donne de l’ampleur et de la visibilité. Une tribune écrite par des victimes de thérapies et réclamant leur interdiction est ainsi publiée par Le Monde en novembre 2020.

Interpellée récemment par madame Vanceunebrock, Elisabeth Moreno a répondu que “les “thérapies de conversion” sont des atteintes à la dignité et à l’intégrité humaines totalement inacceptables” et a rappelé que  “notre code pénal condamne fermement les délits d’abus de faiblesse ou de harcèlement, les délits de discrimination, les propos homophobes ainsi que les violences volontaires”, ajoutant que le ministère de la justice publierait “très prochainement” une circulaire visant à rappeler le droit existant9. Un simple rappel, mais pas de nouvelle législation prévue, donc. Pourtant, en octobre 2020, Mme Moreno avait affirmé que le “gouvernement a la ferme volonté d’adopter les dispositions nécessaires pour sanctionner” les thérapies de conversion. Elle avait aussi assuré que l’exécutif et les parlementaires travaillaient “pour trouver le meilleur moyen de les interdire”. 
Le 23 mars 2021, Laurence Vanceunebrock a déposé une version améliorée de sa proposition de loi.

Les risques des thérapies de conversion pointés du doigt par les rapports internationaux et la recherche scientifique 

En 2020, un expert indépendant des Nations Unies a publié un rapport alarmant10 sur les pratiques de thérapies de conversion, exhortant les Etats à les interdire car ces pratiques sont assimilables à des actes de torture et sont contraires aux droits de l’homme. Selon cette étude, les thérapies touchent principalement les jeunes : quatre personnes sur cinq ayant subi de telles pratiques étaient âgées de 24 ans ou moins et, sur ces personnes, environ la moitié avait moins de 18 ans. Le rapport cite également une étude menée en 2018 aux États-Unis, selon laquelle 698 000 personnes lesbiennes, gays, trans âgées de 18 à 59 ans et près de 20 % des adultes trans qui avaient parlé de leur identité de genre à un-e professionnel-le avaient fait l’objet de ces pratiques à un certain moment de leur vie. 

Ce même rapport se penche sur les conséquences des thérapies de conversion :

“Les tentatives de considérer l’identité de personnes comme une pathologie et d’effacer cette identité, de nier l’existence de ces personnes en tant que lesbiennes, gays, bisexuels, trans ou personnes de genre variant et de faire naître un dégoût de soi ont des conséquences profondes pour l’intégrité et le bien-être physiques et psychologiques.”

Ces conséquences sont variées : d’après une étude réalisée auprès de 8 000 personnes de 100 pays, 98 % des 940 personnes ayant indiqué avoir fait l’objet de telles pratiques en ont souffert ; 4,5 % des victimes ont déclaré avoir des pensées suicidaires. Les victimes ont aussi mentionné d’autres effets indirects, tels que des séquelles physiques permanentes (1,8 %), des tentatives de suicide (2,9 %), la dépression (5,9 %), l’anxiété (6,3 %), la honte (6,1 %), la haine de soi (4,1 %) et la perte de confiance (3,5 %). 

Une étude publiée en 2019 dans la revue JAMA Psychiatry, portant sur les effets des traitements dits de conversion sur les personnes trans, montre que ces thérapies présentent de graves risques quand elles tentent de modifier l’identité de genre en l’orientant vers une nouvelle identité supposée correspondre au genre assigné à la naissance. Un de leurs effets est de pousser une partie de celleux qui les subissent au suicide. Les personnes ayant suivi ou subi une telle thérapie étaient plus de deux fois plus nombreuses à avoir déjà tenté de se suicider que leurs pairs ayant suivi ou subi un autre type de traitement. Les patient-e-s qui avaient moins de 10 ans lors des thérapies présentent un risque relatif de tentative de suicide quadruplé. En outre, les personnes transgenres ayant dans le passé suivi ou subi une thérapie de conversion étaient 1,5 fois plus susceptibles que leurs pairs ayant subi une autre forme de thérapie d’avoir subi une “détresse psychologique grave” lors du mois précédant l’enquête. 

Le rapport de l’expert indépendant de l’ONU identifie trois approches dans les thérapies de conversion : 

  • l’approche psychothérapeutique, constituée d’interventions fondées sur l’idée que la diversité sexuelle ou de genre découle d’une éducation ou d’une expérience anormale. La thérapie par aversion est une pratique courante (utilisant des électrochocs ou des substances provoquant la nausée ou la paralysie) qui consiste à soumettre une personne à des sensations négatives, douloureuses ou angoissantes alors qu’elle est exposée à un certain stimulus en lien avec son orientation sexuelle.
  • l’approche médicale, fondées sur l’idée que la diversité sexuelle et de genre découle d’un dysfonctionnement biologique inhérent. C’est une approche pharmaceutique (administration de médicaments, d’hormones ou de traitements aux stéroïdes).
  • L’approche confessionnelle, qui part du principe que les orientations sexuelles et les identités de genre différentes ont quelque chose de fondamentalement mauvais. Les victimes sont généralement tenues de suivre les préceptes d’un-e conseiller-e spirituel-le et de participer à des programmes visant à traiter leur “condition”. Dans certains de ces programmes, les personnes peuvent être victimes d’insultes anti-homosexuel-le-s ou être battues, entravées et privées de nourriture.

Des violences physiques et psychologiques odieuses sont parfois infligées dans les institutions et dans le cadre des programmes de “conversion”. Le rapport cite l’exemple de l’Equateur : en 2015, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a fait état de cas où des lesbiennes avaient été menottées, battues, nourries de force ou privées de nourriture, entravées pendant des jours et victimes de nudité forcée, de mises à l’isolement et de viols dans des prétendues “cliniques”. 

En outre, selon une étude réalisée au niveau mondial, sur les 1 480 personnes ayant déclaré avoir fait l’objet de thérapies de conversion, 21,9 % ont dit y avoir été contraintes par leur famille, 11,9 % par des chefs religieux, 11 % par des membres de leur communauté et 9,7 % par des professionnels de la santé mentale. De plus, 3,6 % des victimes ont rapporté y avoir été forcées par leur employeur, 5 % par les autorités scolaires et 4 % par les pouvoirs publics.

Le rapport de l’ONU conclut ainsi que “par essence, toutes les pratiques tendant à la conversion sont humiliantes, dégradantes et discriminatoires. Sous l’effet conjugué d’un sentiment d’impuissance et d’une humiliation extrême, les victimes éprouvent de la honte, de la culpabilité et un dégoût d’elles-mêmes, et sont blessées dans leur dignité, autant d’atteintes profondes susceptibles de se traduire par une détérioration de l’image qu’elles ont d’elles-mêmes et par des modifications durables de leur personnalité.” Une forme de torture aux répercussions durables, donc, née de la psychiatrisation de l’homosexualité et de l’influence des groupes religieux fondamentalistes, qui n’est à ce jour toujours pas interdite en France. 

Pour aller plus loin : deux documentaires, particulièrement intéressants pour la manière dont ils mettent en évidence le lien entre thérapies de conversion et fondamentalisme religieux : 
– le documentaire Tu deviendras hétéro, mon fils, réalisé par Caroline Benarrosh, diffusé en 2020 sur France 5, réunit les témoignages de jeunes hommes victimes de thérapies de conversion aux Etats-Unis et présente plusieurs figures emblématiques qui défendent ou au contraire se battent contre les thérapies de conversion. 
– un documentaire d’Arte, sorti en 2019, intitulé Homothérapies, conversion forcée. Les témoignages de victimes originaires de cinq pays sont couplés à l’infiltration d’un journaliste dans plusieurs mouvements français (Courage, Torrents de vie) et à un retour sur l’histoire des thérapies de conversion. Une excellente (et effrayante) synthèse.

1 Pour ce qui est de la transidentité, la France a été le premier pays du monde, en février 2010, à retirer “le transsexualisme” et les “troubles précoces de l’identité de genre” de la liste des affections psychiatriques. L’OMS, quant à elle, a retiré la transidentité de sa liste des maladies mentales en mai 2019. On retrouve désormais la transidentité sous le nom “d’incongruence de genre” dans le chapitre “santé sexuelle”.

2 pour les germanophones, voir cette interview du médecin, où il explique que la “colère” des personnes homosexuelles viendrait notamment de leur passé de blessures et d’une “prédisposition épigénétique qui provient d’anciennes maladies vénériennes”… https://www.vice.com/de/article/8gejvb/news-militante-homosexuelle-gegen-sehr-hilfsbereite-aerzte

3 https://www.francetvinfo.fr/sante/sexo/quand-un-medecin-propose-de-traiter-l-homosexualite-par-l-homeopathie_2894359.html

4 https://www.franceculture.fr/religion-et-spiritualite/sexualite-comment-leglise-a-invente-le-peche-de-chair

5 http://torrentsdevie.fr/nos-objectifs/

6 courant spirituel apparu dans les années 1960 au sein de plusieurs Églises, qui cherche à redynamiser les “dons du Saint-Esprit”. Également connu sous le nom de “réveil spirituel”. 

7 https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/un-juge-bresilien-approuve-les-therapies-de-conversion-pour-homosexuels_1945596.html

8 https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-reine-elizabeth-annonce-que-les-therapies-de-conversion-vont-etre-bannies_fr_609a8595e4b03e1dd38165af

9 https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/05/17/therapies-de-conversion-des-homosexuels-le-gouvernement-ne-legifere-toujours-pas-les-associations-lgbt-s-indignent_6080494_3224.html

10 vous pouvez trouver une synthèse de ce rapport ici et le rapport complet ici.

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