L’association MaMaMa, qui apporte son aide à des mères isolées et précaires, voit son activité menacée par une demande d’expulsion de son local, qu’elle occupe à Saint-Denis (93). Interview d’Inès, secrétaire générale de l’association.

Mise à jour du 15/02/2023 : le tribunal de Bobigny accorde à MaMaMa un an de délai pour se trouver un nouveau local. L’indemnisation financière et l’expulsion immédiate ont été rejetées.
Comment MaMaMa s’est créée et pour répondre à quel besoin ?
Inès : « Pendant le premier confinement, quatre copines bénévoles au suivi téléphonique de la plateforme Covidom à l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), ont pris conscience que la situation avait renforcé la précarité pour beaucoup de personnes et notamment pour les femmes avec de jeunes enfants, qui n’avaient plus les moyens d’acheter du lait et des couches… Magali, Marielle, Marguerite et Aïcha ont ainsi lancé l’association MaMaMa pour leur venir en aide et des entreprises ont accepté rapidement de leur faire de gros dons, à commencer par Blédina qui leur a livré 13 tonnes de produits d’alimentation infantile en mai 2020. Il a donc fallu rapidement trouver un local et l’ancienne municipalité de Saint-Denis nous en a mis un à disposition. »
Quelles sont les activités de MaMaMa aujourd’hui ? Comment l’association complète-t-elle l’offre déjà existante d’aide alimentaire ?
« Ce besoin existait déjà avant l’arrivée du Covid-19, car les associations (même les Restos du cœurs et le Secours populaire) n’ont pas assez de produits pour ces profils. Or, les besoins sont encore plus importants lorsque la femme est précaire, car souvent elle n’arrive pas à avoir assez de lait car elle n’est pas assez nourrie et/ou stressée par sa situation.
Nous essayons de répondre à leurs besoins de manière globale, avec des colis alimentaire et d’hygiène, des protections menstruelles, des vêtements, du matériel de puériculture, des jouets et livres… C’est important qu’elles aient accès à tout sur un même lieu car ces femmes n’ont pas de moyens de garde alors se déplacer est déjà compliqué. En deux ans et demi nous avons aidé 104.000 femmes et enfants bénéficiaires. Nous avons été lauréates de plusieurs appels à projets, dont le plan de relance (à la fois pour notre projet de chantier d’insertion pour fabriquer des petits pots en circuit court, mais aussi pour le projet global de l’association), nous sommes soutenues par plusieurs fonds de dotations et des fondations, comme la Fondation de France ou la Fondations des femmes, ou encore la Fondation Bel par exemple.
Concernant l’aide matérielle nous avons 4 moyens de distribution :
-des rendez-vous individuels d’environ une heure du dimanche au jeudi, de manière mensuelle. Environ 800 familles viennent tous les mois, ce moment d’échange permet aussi de lutter contre l’isolement social (beaucoup vivent dans des hôtels sociaux) mais aussi de détecter des situations de violences.
-des colis sur-mesure pour des familles suivies par des travailleureuses sociaux qui repèrent des situations de précarité importante et de la malnutrition. Ces colis sont récupérés à l’association.
-un dispositif similaires avec 150 centres de santé (dont les PMI) de région parisienne où se sont des soignant-e-s qui font les demandes et nous les livrons car les lieux sont plus centralisés.
-lorsque nous recevons de gros dons d’entreprises suite à des partenariats nous en redistribuons à d’autres associations.
L’association propose aussi des outils pour travailler sur leur émancipation, leur autonomisation, faire en sorte que ces femmes isolées et précaires retrouvent confiance en elles, car la maternité isole et encore plus lorsqu’on est en situation de précarité… Nous travaillons donc pour les aider à se réinsérer, que cela soit par l’emploi, avec notre projet de chantier de réinsertion, ou encore par le bénévolat. Nous développons aussi un partenariat pour les aider à trouver des places en crèche. L’aide matérielle est centrale et vitale, mais nous voulons aussi les accompagner vers des solutions plus pérennes. C’est une aide par les femmes et pour les femmes. Plus de 1500 personnes ont aidé aux actions de l’associations, dont 150 sont des bénévoles régulièr-e-s. L’équipe permanente est elle composée de 10 salariées et 8 volontaires en service civique. »
Pouvez-vous nous résumer la situation de conflit concernant votre local ?
« Nous sommes situées sur une zone qui correspond à des anciens studio longtemps inoccupés. A l’été 2020, des studios ont repris le premier local où nous étions et nous avons déménagé en face. Le lieu appartient à Sem Plaine Commune Développement, qui est présidée par le président du Département de Seine-Saint-Denis et administrée par différents maires de Plaine commune qui sont décisionnaires sur leur territoire. Nous avions des conventions de mise à disposition gratuite qui ont été renouvelées jusqu’à décembre 2021. La situation n’était pas idéale, mais le nouveau maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, nous avait confirmé dans un échange oral qu’il ne nous ferait jamais payer d’énorme loyer. Or, nous sommes tombées des nues en décembre 2021 en voyant qu’on nous demandait désormais de payer 18.000 € de loyer par mois. Nous avons échangé avec les collectivités et nos partenaires : c’était assez clair que ce loyer astronomique exigé du jour au lendemain était surtout un moyen de nous demander de partir. »
Comment expliquer cette situation ?
« Dès l’été 2020, des personnes d’autres associations locales se sont aussi installées dans notre second local, même si elles ne figuraient pas dans la convention. Il y avait une sorte de jalousie, que l’on puisse disposer d’un tel espace, on nous a même dit que nous n’étions pas légitimes puisque nous n’avions pas participé à la campagne municipale pour Hanotin…
Nous avions laissé faire, cela ne nous dérangeait pas de partager l’espace, mais cela a dégénéré. L’espace a aussi été investi pour stocker du matériel de BTP d’une entreprise privée, on ne comprenait pas ce qu’il se passait, les relations se sont envenimées. On a reçu des menaces de ces personnes qui s’installaient dans notre local, ces hommes étaient proches des élus de la Ville, il y a eu des intimidations, un pneu a été crevé par exemple. On a alerté la mairie de ces violences mais rien n’a été fait. Nous avons donc déposé des plaintes contre ces personnes et aussi contre Mathieu Hanotin et son deuxième adjoint Shems El Khalfaoui, pour des faits de corruption passive, de trafic d’influence et de non-dénonciation de menaces. »
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Où en êtes-vous aujourd’hui ?
« Depuis décembre 2021 nous avons déjà essayé de négocier avec la Ville pour trouver une solution, mais les négociations ont été abandonnées par Sem Plaine Commune Développement en juillet 2022. Ils ont donc commencé à lancer une procédure de demande d’expulsion, et nous avons comparu le 13 janvier 2023 devant le tribunal des référés. La réponse sera reçue par notre avocate le 13 février 2023.
Lors des plaidoiries le 13 janvier, leurs avocats ont surtout défendu le droit de propriété. Notre avocate a mis en avant que nous n’étions pas entrés illégalement dans ce local, nous avons signés plusieurs conventions écrites, et nous avions eu l’assurance orale qu’on ne nous ferait pas payer de loyer et qu’on nous aiderait à trouver un autre local si besoin. Nous aimerions qu’il y ait une enquête sur ce qu’il s’est passé.
Nous avons déjà commencé à chercher d’autres locaux, mais il nous faut une superficie de plus de 1000m2, accessible en transports en commun, et nous aimerions rester dans le 93, où les besoins sont les plus importants.
Plusieurs scénarios sont possibles avec la réponse du 13 février : l’affaire peut être renvoyée sur le fond au tribunal de Bobigny et donc on gagne encore du temps pour nos recherches ; le tribunal valide la demande d’expulsion mais peut-être qu’il y aura un délai de plusieurs mois ou années ; si l’expulsion doit être immédiate il y aura du temps aussi avant que la Préfecture mène cette action et on espère ne pas devoir en arriver là. »
Que peut-on faire pour aider MaMaMa ?
Parler de nous, parler de notre recherche de local. Nous avons aussi toujours besoin d’aide pour organiser les collectes et s’occuper des distributions. On peut nous contacter via notre site Internet ou les réseaux sociaux (Instagram…). Et puis il y a encore une pétition à signer pour nous soutenir : https://www.mesopinions.com/petition/sante/contre-nouveau-levothyrox-dangereux-patients/191268