Interdiction du voile à l’université : féminisme ou racisme ?

Après la longue suite des lois, circulaires, décrets, visant à réprimer le port du voile par les femmes musulmanes, la secrétaire d’Etat des Droits des Femmes, Pascale Boistard, a pris position contre le port du voile dans les universités. La mobilisation s’organise.

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Photo prise à l’université du Maine. © OurseMalléchée / Les Ourses à plumes

C’était un thème récurrent au meeting contre l’islamophobie à la Bourse du Travail de Saint-­Denis qui a eu lieu vendredi 6 mars. La menace de l’interdiction du voile à l’université sonne même comme une condamnation pour une témoin, qui raconte, en pleurs, avoir dû faire ses études par correspondance au lycée, et perçoit ce nouveau projet comme une négation de son existence.

Un dérapage qui n’en est pas un

Dans une période marquée par l’aggravation des violences islamophobes (+70% en janvier 2015), le positionnement de la secrétaire d’Etat, Pascale Boistard, ce lundi 2 mars 2015 sonne comme une provocation. On a entendu que c’était le journaliste du Figaro, Yves Thréard, qui l’interviewait, qui l’avait poussée à la faute en insistant lourdement. Pourtant, c’est avec naturel qu’elle soutient la répression policière envers les femmes portant la burqa – passage beaucoup moins commenté – et qu’elle répond à la question « Vous êtes contre le voile à l’université ? » par « Moi je n’y suis pas favorable ». Et quand Yves Thréard demande clairement « Vous êtes contre ? » le « Oui » est ferme. Elle amorce alors l’idée que l’Université pourrait faire « partie de ces espaces publics où le port du voile [est interdit] » puis ajoute « Je ne suis pas sûre que le voile fasse partie, euh, même de l’Enseignement supérieur ».

Ce n’est donc pas un dérapage, même si la secrétaire d’Etat esquive la question sur le fait de légiférer et que Manuel Valls a depuis pris position contre cette idée.

Répression étatique… et responsabilité féministe

Il n’est pas anodin que ce soit la secrétaire d’Etat déléguée aux Droits des femmes qui soit sollicitée pour soutenir un discours islamophobe : alors que 81,5% des agressions islamophobes touchent des femmes, l’islamophobie reste une valeur positive pour une frange du mouvement « féministe » – ce qui a amené à des clivages pérennes, se traduisant par la division en deux manifestations à l’occasion du 8 mars.

On peut observer un glissement du discours qui plaçait les femmes portant le voile en position de victimes des hommes musulmans (ce qui avait permis le déploiement de politiques racistes et impérialistes), à un discours les criminalisant comme « prosélytes »  et permettant leur répression au nom de la protection des autres femmes, y compris musulmanes.

Une mobilisation rapide

Face à cela, la rapidité de la mobilisation a été à la hauteur du climat délétère : la Conférence des résidents d’université s’est félicitée dans un communiqué de la position de Manuel Valls, ajoutant ce passage intéressant : « L’Université, lieu d’accueil de tous les publics, de production et diffusion des savoirs, et de circulation des talents ne saurait aller à l’encontre de cette ouverture fondamentale qu’est le principe de laïcité. »

Dans le contexte, c’est rappeler que la laïcité, c’est aussi la liberté religieuse…

La mobilisation, c’est aussi celle des enseignant-e-s des universités et des doctorant-e-s autour de la pétition intitulée « Lettre ouverte à la Secrétaire d’Etat aux droits des femmes », qui a déjà recueilli plus 350 signatures.

Mais la mobilisation, c’est aussi dans la rue, comme ce sera le cas le 21 mars à 15h à Barbès avec la manifestation contre tous les racismes et le sexisme, derrière le slogan « L’égalité ou rien », qui comprend parmi ses revendications centrales le retrait des lois racistes dirigées contre les musulman-e-s.

 

Note : les chiffres cités sont issus du rapport annuel du CCIF.