Annoncée avec des « si », la PMA est une promesse électorale qui semble toujours remise à plus tard. Faudra-t-il une mobilisation de la rue comme pour le mariage pour tou-te-s ?

L’avis « favorable » du CCNE
Après des années de tergiversation, les espoirs ont repris fin juin 2017, avec la publication de la condition posée comme sine qua non par le gouvernement précédent : l’avis favorable du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). La procréation médicalement assistée est aujourd’hui toujours réservée aux couples hétérosexuels dont l’infertilité est médicalement constatée.
Si l’annonce était louable, le détail de la lecture de l’avis atténuait ce sentiment. Tout d’abord, aucune association lesbienne n’a été consultée, et seulement une personne lesbienne, opposée à la PMA. Le rapport reprend certains éléments de langage de la Manif pour tous, comme par exemple le fait que les enfants qui en seraient issus « se verraient être privés de pères ». L’analyse de Yagg soulève également le fait que le remboursement de l’assurance maladie ne devrait selon le rapport être effectif que pour les familles hétérosexuelles (couples souffrant d’infertilité).
La différenciation entre prise en charge pour les couples hétérosexuels et couples homosexuels que le CCNE formule ainsi : « Si, jusqu’à ce jour, il a été unanimement admis que la lutte contre l’infertilité d’origine pathologique impliquait une prise en charge totale, la question se poserait différemment en cas d’ouverture à des demandes sociétales d’AMP » repose d’une part sur l’idée que les couples hétérosexuels sont destinés à avoir des enfants, et que cela est tellement souhaitable pour la société qu’il est de son devoir de les y assister, et d’autre part que les autres modèles parentaux seraient moins souhaitables et moins légitimes (ce qui constitue toujours un mépris pour les familles monoparentales, recomposées ou homoparentales). L’évidence qu’un couple hétérosexuel a un « droit à l’enfant » n’est jamais remise en cause ; seul celui des autres l’est.
L’avis du CCNE à télécharger ici
D’autres aspects de l’avis montre que le CCNE se soucie toujours aussi peu du droit des femmes à disposer de leurs corps : alors que le don d’ovocyte est autorisé à destination des couples hétérosexuels infertiles, le CCNE recommande toujours l’interdiction de l’autoconservation « de précaution » des ovocytes (par exemple pour les personnes trans FtX/Ft* qui souhaitent se faire retirer les ovaires mais garder la possibilité d’une filiation biologique, ou pour des jeunes femmes cis qui souhaitent les conserver pour une grossesse tardive). En fait, les seules personnes qui se voient ouvrir le droit à l’autoconservation sont celles qui donnent de leurs ovocytes à des couples hétérosexuels, comme une contrepartie. Vous avez dit autonomie ?
Malgré tout et après quatre ans d’attente, l’avis est finalement favorable à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes comme aux femmes célibataires, ouvrant la voie à un déblocage législatif.
L’annonce de Marlène Schiappa…
C’est dans cette dynamique que la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a déclaré le 12 septembre 2017 que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes sera proposée dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique en 2018. Une annonce qui concordait médiatiquement avec la mobilisation contre la loi travail, prévue ce même jour… Un simple hasard de calendrier ?
En prétendant avoir simplement attendu l’avis du CCNE, les gouvernants précédents et actuels se retranchent derrière cette institution plutôt réactionnaire afin d’éviter de subir à nouveau la désapprobation directe de la Manif pour tous.
… et les revirements
Mais moins d’une semaine plus tard, Marlène Schiappa revient sur sa déclaration, en disant que l’ouverture PMA serait « probablement » proposée au Parlement l’année prochaine, et que » La PMA sera adoptée avant la fin du quinquennat, c’est un engagement du président »... comme une impression de déjà-vu. On peut constater les effets du battage médiatique de la Manif pour tous, complaisamment relayé dans les grands médias qui mélangent à nouveau PMA et GPA et s’interrogent à nouveau sur l’absence de père (des tactiques familières, sur l’air du « un papa, une maman »).
Les déclarations d’autres ministres, comme Gérard Collomb, ont bien montré que ce n’était pas « une priorité » pour tout le monde au gouvernement : encore une fois un argument LMPT, qui brandissait en 2013 des pancartes incitant à prioriser la lutte contre le chômage contre l’ouverture du mariage (car il est bien entendu qu’on ne peut faire qu’une des deux choses).
Les associations de défense des droits des femmes et des LGBTIQ+ sont toutes sceptiques, comme le montre ce communiqué du Planning familial : « le calendrier parlementaire laisse à penser que la loi bioéthique ne sera présentée qu’au dernier trimestre 2018, ce qui au mieux signifie que la loi sera adoptée courant 2019. Un agenda qui pourrait être considérablement retardé, puisque la loi de bioéthique de 2011 prévoit que « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux.« »
Alors, peut-on vraiment croire que la promesse de campagne d’Emmanuel Macron sera respectée ? Y aura-t-il toujours de bonnes raisons de repousser le débat et le courage de s’opposer au mouvement de la Manif pour tous ? Que vaut la promesse d’un gouvernement et d’une majorité aussi hétérogène ?
Ourse Malléchée et Ourse Printanière
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