Le nouvel avis du CCNE en septembre 2018 et la création envisagée d’un groupe de travail parlementaire en amont de la présentation du projet de loi bioéthique, remettent le sujet de la PMA sur la scène médiatique. Nous avons donné la parole à l’association FièrEs pour faire l’état des lieux de la lutte pour conquérir ce nouveau droit.

Quel bilan peut-on tirer aujourd’hui de la mobilisation pour obtenir la PMA ? Comment et quand la mobilisation avait-elle commencé ?
FièrEs : « Comment tirer le bilan de ce qui n’a été qu’une succession d’échecs, de renoncements, de trahisons ? Les gouvernements successifs ont toujours fait le choix de se placer du côté d’une conception réactionnaire et biologisante de la famille.
La mobilisation pour l’ouverture de la PMA pour tou.te.s a commencé dès les années 90, portée par des associations de familles homoparentales qui ont pointé du doigt le caractère discriminatoire de réserver l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels. Mais c’est en 2013 que cette mobilisation s’est réellement structurée face à la promesse non tenue par François Hollande d’ouvrir la PMA à tou.te.s. Il a préféré céder aux tentatives d’intimidation de La Manif pour tous plutôt que de reconnaître nos familles et nous permettre d’accéder à la libre disposition de nos corps. Il semble se passer l’exacte même chose avec le président actuel, qui ne cesse de temporiser sur cet engagement et de rassurer les opposants à l’ouverture de la PMA pour tout.e.s. »
Le CCNE a rendu récemment un avis, qui semble positif, pour la PMA, est-ce suffisant pour être optimiste pour l’avenir ? Y-a-t-il d’autres leviers à lever et si oui quels sont-ils ?
FièrEs : « Bien au contraire, quand on regarde dans le détail, cet avis du CCNE reprend nombre des arguments et des éléments de langage de La Manif pour tous et des opposants à l’ouverture de la PMA. Il fait référence par exemple à « l’institutionnalisation de l’absence de père » et à « l’absence de l’altérité masculin-féminin » nécessaire à la construction psychique de l’enfant. Ces arguments sont une insulte pour nos familles, le fait qu’il figure dans cet avis en dit long sur la manipulation opérée par les opposants à l’ouverture de la PMA et est inquiétante. Ces arguments traduisent également une vision profondément sexiste et essentialiste de la famille et de la société, qui attribue des rôles bien distincts aux mères et aux pères et donc aux hommes et aux femmes.
Pour ce qui est de la saisine du CCNE, il est important de rappeler que cette instance n’a pour nous aucune légitimité à s’exprimer sur l’ouverture de la PMA à tout.e.s. Le caractère éthique de la PMA en tant que technique médicale a déjà été tranché par les lois de 1994 et 2004 lorsqu’elle était ouverte aux couples hétérosexuels. L’ouverture de la PMA à tout.e.s ne soulève aucune autre question éthique que celles qui ont déjà été tranchées pour les couples hétérosexuels puisque l’on demande simplement l’accès à cette même technique médicale.
Il est donc important de rappeler que l’ouverture de la PMA n’est pas une question d’éthique, c’est une question d’égalité entre toutes les femmes, qu’elles soient en couple hétérosexuel ou non, c’est une question d’égalité entre tous les différents modèles familiaux qui existent aujourd’hui et c’est aussi et surtout une question féministe puisqu’il s’agit de libre disposition du corps des femmes et/ou des personnes trans. La saisine de ce CCNE n’aura donc servi qu’à déléguer ce sujet à une instance dont les avis n’apportent rien et aura permis aux gouvernements, soucieux de rassurer les opposants à l’ouverture de la PMA, de stagner sur cette question.

Il semble d’ailleurs que le gouvernement actuel continue sur cette lancée puisqu’il a récemment rappelé ne pas vouloir « brutaliser les consciences » et a indiqué vouloir créer un énième groupe de travail sur ces sujets bioéthiques. La priorité de ce gouvernement est donc encore une fois de laisser un espace de parole aux réactionnaires pour déverser leurs propos sexistes et lesbophobes.
C’est aberrant de devoir encore se battre pour disposer de nos corps librement et pour que nos familles soient reconnues et protégées par la loi. Il est temps qu’une loi adopte l’ouverture de la PMA et qu’on en finisse avec ces « débats » sans fin. On refuse de continuer à subir ces insultes publiques envers nos vies et nos familles. »
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Les organisations lesbiennes et/ou homoparentales dénoncent un traitement médiatique problématique sur la PMA, est-ce aussi votre cas ? Qu’avez-vous constaté ? A votre avis quelle en est la cause ?
FièrEs : « Les instances médiatiques adoptent finalement la même stratégie que les gouvernements successifs, en faisant le choix de participer à la diffusion de la parole lesbophobe et sexiste des opposants à l’ouverture de la PMA.
Ces discours réactionnaires se retrouvent diffusés y compris dans les médias de gauche, comme Libération par exemple, qui a fait le choix de faire sa Une du 9 octobre 2018 sur La Manif pour tous, car ces discours font plus vendre. Cet intérêt médiatique pour la polémique, le buzz et la surenchère se fait évidemment à notre détriment, puisqu’il est plus vendeur de donner la parole aux réactionnaires qu’à des lesbiennes ou des femmes seules qui ont, ou ont eu recours à une PMA.
Cela aboutit au fait que nous avons systématiquement à subir des propos qui nous insultent et nous déshumanisent lorsque ce sujet est abordé par les médias. Il est important de préciser qu’en faisant le choix de donner de la visibilité et donc de la crédibilité à ces réactionnaires, les médias participent activement à donner du poids à ces discours dans la société dans son ensemble et donc à propager la lesbophobie et la transphobie ambiante que nous subissons. »
Aujourd’hui, les lesbiennes qui ont eu recours à la PMA sont confrontées à toute une série de problèmes (non-reconnaissance de l’une des mères, problèmes à l’école…), que le mariage pour tou.te.s n’a pas non plus résolu… Que constatez-vous sur ces sujets et quelles sont vos revendications ?
FièrEs : « Aujourd’hui, les couples de femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger font face à encore beaucoup d’obstacles et de complications qui sont dues à cette inégalité qui perdure et qui les place dans un statut de hors-la-loi.
Elles doivent en effet trouver en France un médecin qui accepte de prescrire les examens préparatoires et de leur fournir un suivi lors des inséminations qui sont pratiquées à l’étranger, ce qui reste difficile malgré l’abrogation récente, en 2016 d’un texte pénalisant les gynécologues qui prennent en charge les patientes ayant bénéficié d’une PMA à l’étranger. Ce suivi médical est pourtant indispensable pour les femmes ayant eu accès à une PMA.
La PMA à l’étranger a par ailleurs évidemment un coût, il faut débourser des milliers d’euros, ce qui n’est pas possible pour beaucoup de couples de femmes ou de femmes seules qui souhaitent y avoir recours.
Une fois l’enfant né, il faut encore faire face à d’autres difficultés, d’ordre juridique. La mère qui n’a pas porté l’enfant doit alors adopter son propre enfant pour pouvoir bénéficier d’un statut équivalent à celui de la mère qui a porté l’enfant. Cette adoption nécessite donc une enquête de moralité qui a pour but de prouver le lien entre l’enfant et la mère adoptante, ce qui est aberrant puisque cet enfant est issu d’un projet parental porté par ces deux mères.
Nos revendications sont simples : on souhaite l’ouverture de la PMA à toutEs. On souhaite que cette loi recentre la PMA sur le projet parental des personnes qui y ont recours puisque c’est ce projet initial qui permet la conception de l’enfant. Un des moyens de garantir une sécurité juridique à ces familles serait par exemple la déclaration anticipée de la part des personnes qui souhaitent avoir recours à la PMA.
Enfin, le remboursement lié à l’accès à la PMA doit évidemment se faire dans les mêmes conditions pour les couples de femmes ou les femmes seules, que pour les couples hétérosexuels. »
La mobilisation continue-t-elle ? Que peut faire une personne qui a envie de s’engager sur le sujet ?
FièrEs : « Ce sujet risque de revenir de façon régulière dans l’actualité encore de nombreux mois. On refuse que l’ouverture de la PMA soit une nouvelle fois enterrée par ce gouvernement, nous allons donc continuer à porter nos revendications sur le sujet, tant que cela sera encore nécessaire.
Si vous souhaitez vous engager sur ce sujet, vous pouvez également rejoindre FièrEs, en nous écrivant à contact.fieres@gmail.com et nous suivre sur Facebook/Twitter/Instagram. »
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