Portraits de mères féministes et de leurs filles – II/ Claire et Roxanne

Le projet d’enfant et la grossesse :

Ourse Printanière : « Bonjour et merci de répondre à nos questions ! Pour commencer, est-ce qu’avant même l’arrivée de ta fille tu avais eu la préoccupation de sa condition de future opprimée ?

Claire : Je suis tombée enceinte dès qu’on a arrêté la contraception, grossesse sans soucis même ce n’est globalement pas un état dont je suis fan. On pense en avoir au moins deux, pas de préférence pour le sexe pour le deuxième, Charles était content d’avoir une fille en premier.

Est-ce qu’avant même l’arrivée de ta fille tu avais eu la préoccupation de sa condition de future opprimée ? Est-ce que tu avais déjà lu ou regardé des choses à ce sujet que tu recommanderais ? Établi des règles à l’avance (avec le père) ?

De manière générale c’est un sujet qui m’intéresse, et depuis longtemps je m’inquiète de comment tenter de limiter le sexisme dans l’éducation de mes enfants. Je pense que c’est plus important encore pour une fille puisque c’est nous les opprimées effectivement. Charles connaît mes opinions et est moins sexiste que la moyenne mais malheureusement il sous-estime le rôle du sexisme ordinaire. J’ai surtout lu des blogs (Antisexisme.net, Le Plafond de verre, Les Questions composent) plus Du côté des petites filles, qu’une amie (et ex) m’a offert, très bien mais peut-être un peu ancien pour aider concrètement j’ai trouvé.

« La tante de Charles nous a sorti que la petite faisait du charme, et que c’était bien une fille car jamais un garçon ne ferait ça. »

Les premiers pas du sexisme :

Quelles ont été les premières manifestations selon toi de sexisme vis-à-vis ou à propos de ta fille ? De quelles personnes provenaient-elles ?

Les gens qui m’hallucinent en s’excusant de l’avoir prise pour un garçon, ou au contraire qui m’expliquent à quel point on voit que c’est une fille avec ses traits fins (mais bien sûr…), et ce depuis sa naissance.

Mon beau père qui nous dit qu’il faut que le deuxième soit un garçon pour qu’il lui apprenne à conduire un tracteur (mais il a l’air d’avoir arrêté à force que je le reprenne). Ou qui dit qu’elle est gracieuse quand elle est facile à gérer, drôle d’expression je trouve.

Plein de monde qui me dit quand elle joue tranquillement qu’elle est sage, et que c’est parce que c’est une fille, alors que je pense que si c’était un garçon on s’extasierait sur son autonomie.

Plus récemment, la tante de Charles nous a sorti que la petite faisait du charme, et que c’était bien une fille car jamais un garçon ne ferait ça. Du sexisme et l’idée trop répandue que les enfants savent manipuler avant de savoir parler dans la même phrase… Tout ça parce que quand elle est intimidée elle penche la tête et regarde les gens par en dessous. Dans le même genre ma grand-mère m’a dit au téléphone il y a peu que Roxanne avait un sourire de coquine, alors que son cousin (3 mois au moment des faits) riait de bon cœur, que c’était normal car les garçons c’est plus franc alors que les filles c’est des malines.. -.

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Les adultes projettent et construisent très tôt le genre des enfants – Crédits DR ©

Les pros : 

As-tu le sentiment que les professionnel-les de la maternité et de la petite enfance avec lesquel-les tu as été en contact ont une attitude plutôt féministe ? Traditionnelle ? Ambivalente ?

A la maternité, ils  étaient globalement très respectueux, à me demander systématiquement mon autorisation avant de m’examiner etc. contrairement à la gynéco de ville qui a suivi ma grossesse par exemple. Mais à part ça je ne saurais pas dire s’ils étaient féministes. Ils traitaient ma fille juste comme un bébé sans s’intéresser à son genre il me semble. Le pédiatre qui la suit depuis n’est pas bavard et je ne me souviens pas de remarques sexistes, mais peut-être que c’est juste que j’en avais entendu d’autres et que ça ne m’a pas marqué. Sa nounou est plutôt traditionnelle pour le genre et l’éducation de manière générale, mais elle n’a pas fait souvent de remarques devant moi, d’ailleurs je n’ai aucun exemple en tête.

L’inertie sexiste et les dynamiques de résistances :

Qu’est-ce qui t’irrite le plus en termes de sexisme vis-à-vis de toi en tant que mère ou vis-à-vis de ta fille ? Qu’est-ce qui est particulièrement compliqué à gérer ? Quelles stratégies mets-tu en place? Sur qui t’appuies-tu ?

Pour le moment ce qui m’agace le plus c’est quand on commence déjà à dire qu’en tant que fille elle doit être sage/calme. Globalement je voudrais qu’elle puisse se développer sans s’enfermer dans une case, même si je sais que c’est impossible dans notre société. Pour les vêtements et les jeux je me charge d’acheter du « masculin » pour qu’elle n’ait pas que des robes et qu’elle puisse découvrir les duplos en même temps que les poupées. Avec son père j’essaye de lui donner un modèle moins sexiste que celui de mes parents même si pour le ménage ce n’est pas gagné. Et quand quelqu’un fait une remarque sexiste devant elle je le contredis immédiatement. Ce qui me fait peur c’est que plus elle va grandir plus elle y sera confrontée et je ne peux pas toujours être avec elle. Je pense déjà éviter les robes en semaine l’été prochain pour qu’on ne la freine pas sous prétexte que sa jupe remonte… Sinon j’espère bien sûr pouvoir m’appuyer sur Charles, en espérant que lorsque ça concernera sa fille il comprendra qu’il n’y a pas de petit combat…

Merci à Claire de ses réponses!  Si vous souhaitez participer à cette série de portraits, quel que soient votre âge et celui de votre enfant, n’hésitez pas à écrire à oursesaplumes@gmail.com.