Manifestations du 8 mars à Paris : une recomposition du mouvement féministe

On comptera cette année deux manifestations à Paris pour le 8 mars. La situation n’est pourtant pas exactement la même que les années précédentes et découle d’une série de recompositions et de dislocations dans le mouvement féministe. Récapitulons.

La première manifestation, celle qui aura lieu le 8 mars entre 14h et 19h, s’organise autour du mot d’ordre de la grève des femmes. Elle donnera lieu d’abord à des ateliers sur la Place de la République, puis à 17h30 à un départ en manifestation (République – Opéra). Si une initiative similaire existe depuis plusieurs années à Toulouse, elle avait toujours peinée à s’importer à Paris. Elle bénéficie cette année de la dynamique internationale (des appels à la grève des femmes pour le 8 mars ont été lancés en Italie, en Turquie, au Chili, aux Etats-Unis… dans la foulée de mobilisations de masse comme la grève des femmes en Pologne ou en Islande, ou encore autour de Ni Una Menos en Argentine, la Women’s March aux Etats-Unis…), et de l’enthousiasme qui va avec. Ce contexte particulier semble avoir donné un nouveau souffle à la manifestation « traditionnelle », avec un investissement plus important notamment des organisations syndicales. Couplé à l’affaiblissement du Collectif national pour les droits des femmes (CDNF), cela a permis de nouveau – c’était le cas pour la première fois l’an dernier – la publication d’un appel qui ne contient rien sur les deux thématiques qui ont divisé le mouvement (le voile et le travail du sexe).

On assiste d’autre part à deux manifestations « radicales ». Celle du collectif Femmes en lutte 93 (FEL93) et de la commission Femmes de la Coordination 93 de lutte pour les Sans-papiers, qui les années précédentes traversait Saint-Denis (ville où le collectif est implanté) puis rejoignait la manifestation de 8 mars pour touTEs partant de Belleville. Cette année elle se déroulera uniquement dans la ville, le samedi 11 mars à 15h, et FEL 93 a appelé largement à y participer.

Si la manifestation radicale parisienne a été annoncée très tardivement, c’est que la disparition du collectif 8 mars pour touTEs (8MPT) a laissé un vide politique. 8MPT était à l’origine des Assemblées générales féministes qui ont organisé les manifestations « alternatives » du 8 mars de ces dernières années, parvenant à gagner la majorité sur le terrain : les manifestations dites « de Belleville » étant ces deux dernières années plus nombreuses (et plus jeunes, dynamiques et diverses) que celles dites « de République ».

C’est d’abord en termes organisationnels que l’absence de 8MPT a pesé. Via des réseaux mails, c’est finalement grâce à des initiatives individuelles qu’une première AG – massive, avec environ 80 personnes – a eu lieu. Saturée de tensions et de désaccords de fond, politiques et stratégiques, cette AG a tout de même pu aboutir à une série d’autres, et de commissions. Ces dernières ont permis aux militant.E.s volontaristes d’organiser très rapidement une manifestation déposée, des ateliers banderoles et pancartes, et un SO rebaptisé Groupe d’Autodéfense Collective. La manifestation aura donc lieu, le 8 mars également, mais de nuit (19h30 Belleville – Châtelet). Elle ne se pose donc pas en contradictoire avec la manifestation du CNDF. Le texte comprend d’ailleurs un appel à la grève. Cependant, elle prend nettement le chemin d’une autre stratégie de construction du mouvement féministe, en interdisant la visibilité de toute organisation politique ou syndicale, et de manière générale de toute organisation qui ne serait pas spécifiquement et exclusivement féministe.