Historienne des sexualités, Maëlle Bernard a publié en septembre 2021 Histoire du consentement féminin. L’occasion de revenir sur la construction historique de la culture du viol et de rencontrer l’autrice.

Dans son livre publié en septembre 2021, Histoire du consentement féminin. Du silence des siècles à l’âge de la rupture, Maëlle Bernard retrace l’histoire du consentement féminin en France depuis l’Antiquité jusqu’à l’émergence du mouvement Me Too. Un parcours qui revient sur la difficulté de définir le viol : le terme apparaît avec son sens contemporain en 1190, mais cet emploi ne se fige qu’à la fin du XVIIème avec une généralisation de son utilisation à partir du début du XVIIIème siècle.
Plusieurs traits saillants du livre font écho à ce qu’on nomme aujourd’hui la culture du viol. Le travail de Maëlle Bernard permet ainsi d’en comprendre un peu mieux les racines historiques.
- Dès l’Antiquité, les femmes ne sont pas considérées comme propriétaires de leur corps : celui-ci appartient aux hommes, garants de leur honneur. Ainsi, sous l’Antiquité, le viol d’une esclave est considéré comme une offense à son propriétaire car le bien est dégradé. Cette mise à disposition du corps des femmes est le fil rouge parcourant le livre : les femmes ne sont en effet jamais considérées comme détentrices à part entière de leur enveloppe corporelle, comme en témoigne par exemple la possibilité pour le violeur de « racheter » son crime en donnant de l’argent au mari, par le fait que ce soit l’honneur de l’entourage qui soit entaché en cas de viol, ou encore par l’existence et la persistance d’un devoir conjugal. Tout ceci est aggravé par les inégalités socio-économiques entre les femmes : le viol est plus sévèrement puni quand la femme est « de condition honnête » (p. 74) que s’il s’agit d’une servante, sans parler du cas des prostituées : « Les paroles de certaines femmes ne valent rien, en raison de leur manque de vertu. C’est le cas de la prostituée ou de la débauchée, parce qu’elles s’offrent au premier venu, elles ne peuvent se plaindre d’être violées. » (p.74)
- La sexualité d’une femme indique sa respectabilité. C’est la chasteté et la virginité qui préservent l’honneur d’une femme. Leur statut de fille ou d’épouse respectable repose sur leur sexualité : depuis la nuit des temps, « le père veille à préserver la virginité de sa fille et le mari à contrôler la fidélité de son épouse. » (p.76). La femme est par ailleurs condamnée à un rôle passif dans la sexualité : elle ne saurait éprouver de désir. La théorie hippocratique des humeurs (IVème siècle av. JC) explique que les femmes sont froides, et cette frigidité les contraint à rester passives dans l’union : « la femme doit contenter son mari mais ne doit pas l’exciter, elle ne doit donc pas amorcer le rapport » (p.127)
- La résistance d’une femme n’est que rarement prise au sérieux. L’historienne consacre une partie de son livre à l’érotisation par la littérature et l’iconographie de la résistance féminine, qu’on associe à un jeu de séduction et qui est donc décrédibilisée. En cas de viol, il faut, depuis longtemps, prouver sa résistance (en ayant crié, en ayant tenté de s’échapper), sans quoi l’innocence de la victime est rapidement remise en question. La victime est d’ailleurs culpabilisée : Daniel Jousse, juriste du XVIIIème siècle, explique que « si cette fille, ou femme, quoique non fille publique, étoit trouvée dans un lieu de débauche, ou vêtue d’une manière indécente à la façon des courtisanes, alors la peine sera moindre ; parce qu’alors elle seroit dans le cas d’une fille prostituée » (p.98).
Nous avons rencontré Maëlle Bernard et avons pu lui poser quelques questions, sur la genèse de son livre, sur l’histoire et sur la construction de cette culture du viol à travers les âges.

La première chose dont j’aimerais parler, c’est celle du choix de ton objet d’études. Peux-tu expliquer comment tu es arrivée à écrire sur le consentement ? Choisir d’aborder le consentement féminin, d’en faire un objet d’étude et de recherche, c’est aussi vouloir raconter une histoire qui est souvent tue, l’histoire des victimes. Tu soulignes toi même dans le livre la difficulté de faire des recherches sur le viol, en parlant de « chiffre noir » par exemple. Pourquoi avoir choisi ce thème ? Y a-t-il une démarche militante derrière ?
Maëlle Bernard : Au début, j’étais intéressée par l’histoire de la sexualité, des femmes, du corps. Je voulais travailler sur l’avortement dans l’Ancien Régime, l’infanticide, les menstruations. J’en ai parlé à mon directeur de recherche, et c’est lui qui m’a donné le sujet sur le consentement féminin, un an avant Me Too, en 2016. L’histoire commence à s’intéresser à l’histoire de la sexualité, de l’intime, du vécu, à la fois des victimes mais aussi de manière générale des individus parce que, contrairement à l’histoire des violences sexuelles, faire l’histoire du consentement féminin, c’est forcément parler des viols, des violences sexuelles, de l’absence de consentement, mais c’est aussi parler de désir, de la présence de consentement, même si on a moins de sources. C’est tout un aspect de mon travail, aussi. C’est important de distinguer l’histoire du consentement de l’histoire des violences sexuelles.
C’est après mes recherches que mon militantisme est né. J’avais un cours d’histoire de la famille en 3ème année de licence où on avait étudié les rapports conjugaux dans l’Ancien Régime. Lorsqu’on était arrivé-e-s à la question épineuse des féminicides, le prof nous avait dit qu’il ne fallait pas être choqué-e-s outre mesure des chiffres qu’il allait donner et des actes, parce que ça n’avait pas changé. A l’époque, en 2016, une femme mourrait tous les trois jours sous les coups de son compagnon, et au XVIIIème siècle, c’était sensiblement la même chose. C’est ce qui m’a donné envie de traiter un sujet contemporain par le biais de l’histoire : l’idée c’était de dire que s’il y a des choses qui choquent dans un livre d’histoire, et qu’elles n’ont pas changé, il faut les combattre. L’idée était plutôt de dénoncer sans que ce soit un travail militant en tant que tel, contrairement à mon livre qui en était un dès le départ.
Comment une perspective historique peut-elle enrichir les luttes féministes ?
Cela permet de voir si les choses ont vraiment évolué. L’histoire est souvent utilisée comme argument, à tort et à travers. Combien de fois, pendant des dîners de famille, j’ai entendu « de toute façon, les mouvements féministes occidentaux n’ont plus beaucoup de grain à moudre parce que ça a vachement évolué depuis un siècle ou deux… ». Le but du livre, c’est de montrer que non : on a l’impression que les choses ont avancé, mais en fait, il y a 84 000 viols en France par an aujourd’hui, et on demande à une victime comment elle était habillée et si elle a résisté ; au XVIIIème siècle, c’était exactement pareil, on lui demandait comment elle était habillée, si elle était sortie tard le soir toute seule et si elle avait résisté. J’ai écrit un article universitaire sur la question du consentement des fillettes avant 12 ans, et pour moi c’était aberrant de voir qu’il y avait les mêmes questionnements dans les cours de Justice au XVIIIème siècle et aujourd’hui… C’est surtout pour contrer les contre-arguments des gens qui affirment qu’on a plus besoin de ces mouvements, parce que « ça a évolué ».
Tu écris, en parlant du Haut Moyen Âge : s’il existe des lois qui condamnent le viol et prévoient des peines allant jusqu’à la mise à mort, dans les faits, « les victimes sont suspectées d’avoir consenti, l’absence de preuves fait douter de la culpabilité des accusés et finalement les peines sont rares » (p.28). On pourrait presque croire que tu parles de la France contemporaine ! Comment expliquer, d’après toi, ce doute permanent de la parole de la victime, qui persiste aujourd’hui (voir ici par exemple) ?
A l’époque du Haut Moyen Âge, on a peu d’écrits sur ce qu’on appelle aujourd’hui la « culture du viol ». Etant dix-huitièmiste de formation, je vais plutôt baser mon discours sur le XVIIIème, siècle que je connais mieux. Au XVIIIème siècle, on remettait en cause la parole de la victime d’abord parce qu’il n’y avait pas de témoins. Dans les dictionnaires juridiques, on affirme que pour qu’un viol soit pleinement reconnu comme tel, il faut qu’il y ait des témoins. Il y a aussi une thèse de la force féminine : une femme qui ne veut pas de la relation sexuelle est assez forte pour l’éviter. Même avant le XVIIIème siècle, le fait de céder revient, dans l’imaginaire collectif, à consentir. Arrêter de résister, que ce soit parce qu’on se rend compte qu’on n’en a plus la force, ou à cause de l’état de sidération, revient à consentir.
“le fait de céder revient, dans l’imaginaire collectif, à consentir”
Voltaire prenait une métaphore : une femme violée arrive à un procès, on lui donne un fourreau d’épée. Il fallait éviter que l’épée, maniée par quelqu’un d’autre, rentre dans le fourreau. Si elle arrive à l’éviter, elle gagne une bourse d’argent. On montrait à la femme ainsi que si elle avait vraiment voulu résister, elle aurait réussi, et qu’elle a donc consenti au viol…
Il y a aussi l’absence de la reconnaissance de l’état de sidération. C’est moins le cas aujourd’hui, mais avant le XIXème siècle, il n’est pas du tout compris. On le prend comme du consentement. C’est Alfred Swaine Taylor (1806-1880), un toxicologue anglais, qui a montré qu’une victime, en raison du trop plein d’informations et d’émotions, ne pouvait pas toujours réagir face à des violences sexuelles.
Enfin, il y a aussi le fait que les femmes ont été décrites comme des êtres lascifs et lubriques pendant des siècles et des millénaires. Au XVIIIème siècle, par exemple, le courant de l’utéro-centrisme dit que les femmes sont régies par leur utérus, et que si elles n’ont pas de relations sexuelles, il se balade dans leur corps jusqu’à se poser sur le coeur ou les poumons et créer une maladie incurable. Le seul remède trouvé par les médecins est d’obliger la femme à se marier pour qu’elle ait des relations sexuelles régulières afin de contrer cette maladie féminine d’un utérus en manque de relations sexuelles…
Tu utilises des mots comme culture du viol, état de sidération… Est-ce que tu as eu cette crainte de l’anachronisme, dont tu parles d’ailleurs au début de ton livre ? Aujourd’hui, on a tout un vocabulaire pour analyser le consentement, mais dans quelle mesure ce vocabulaire est-il applicable à des périodes historiques passées où on avait pas du tout la même perception des rapports hommes-femmes, du sexisme… ?
C’est une question qui divise les historien-ne-s. Certain-e-s profs de la Sorbonne m’ont dit que l’histoire de la sexualité, ça n’était pas de l’histoire, parce que ce n’est pas de la démographie, parce que c’est de l’intime…
La question de l’anachronisme est fondamentale pour moi ; selon moi, on évite l’anachronisme en évitant de juger les sociétés passées. On prend des concepts qui existent aujourd’hui, par exemple le « viol conjugal » qui existe en France depuis 1992 ; quand j’en parle pour une époque antérieure, je ne plaque pas la notion, je dis « ce qu’on appellerait aujourd’hui viol conjugal » : j’explicite pour mes lecteurices. Effectivement, quand on parle de culture du viol, il faut le définir et mettre des guillemets, pour montrer qu’on prend ce terme à aujourd’hui. Le but aussi de ce livre, et c’est ce qui permet d’éviter l’anachronisme, c’est de ne pas juger les sociétés passées. Dans mes interviews, on me demande ce qui m’énerve dans l’histoire du consentement : rien ne m’énerve, ce sont des sociétés passées, elles étaient comme ça, malheureusement. Ce qui énerve la militante en moi, c’est que ce n’a pas changé, mais l’historienne en moi se contente de regarder des documents.
J’aimerais aussi revenir sur cette notion de devoir conjugal dont tu parles dans ton livre. D’après l’enquête Ipsos de 2019, 21% des Français-e-s considèrent que forcer sa conjointe à avoir un rapport sexuel alors qu’elle le refuse n’est pas un viol. Cela reste d’ailleurs un crime assez peu condamné. Est-ce que tu peux nous parler du devoir conjugal, historiquement, et où en est-on aujourd’hui ?
La notion de devoir conjugal est théorisée par Saint Paul dans l’Epître aux Corinthiens (Nouveau Testament) : à partir du moment où on dit oui à une première relation sexuelle pendant la nuit de noces, on dit oui à toutes les autres, de manière tacite.
Marta Madero, historienne médiéviste, s’est demandée si le devoir conjugal commençait avec le oui du mariage devant l’autel ou le oui à la nuit de noces. C’est fondamental : typiquement, dans le cas des “oies blanches” du XIXème siècle (des jeunes filles élevées dans un idéal de pureté et ne connaissaient rien à la sexualité), le fait de dire oui au mariage, selon certains écrits ecclésiastiques, ne les obligeait pas à dire oui aux relations sexuelles si elles évitaient la nuit de noces. Si la nuit de noces n’était pas consommée, elles pouvaient ainsi essayer de faire annuler leur mariage.
Le devoir conjugal a chapeauté toutes les relations sexuelles des individus depuis ; jusqu’au XXème siècle, la sexualité est d’abord une sexualité légitime entre époux, avant d’être une sexualité illégitime, pendant longtemps condamnée. Ce devoir conjugal est parfois remis en cause. Par exemple, Rousseau explique que le mari doit attendre que sa femme le désire pour venir dans le lit conjugal, non pas pour éviter un viol, mais pour que celle-ci prenne plus de plaisir à l’acte sexuel. La finalité est la même (ne pas forcer l’épouse), mais ce n’est pas présenté de la même façon.
Aujourd’hui, le viol conjugal est encore très peu compris, notamment à cause du cliché du viol : quelque chose qui a lieu la nuit, dans un parking sombre, et qui est commis par un individu cagoulé. On a toujours du mal à conceptualiser le viol réalisé par un-e proche ou par un-e conjoint-e. Même le principe de zone grise rend toujours les gens perplexes. Durant mon service civique, j’ai fait des interventions devant des collégien-ne-s et des lycéen-ne-s : quand je leur expliquais que si iels n’avaient pas envie d’avoir des relations sexuelles avec leur partenaire mais le faisaient quand même, ça n’était pas vraiment du consentement, ça restait difficile à conceptualiser. Ça se développe doucement.
On a tendance à parler de Me Too comme d’un grand mouvement de libération de la parole, de l’explosion des récits, des témoignages de victimes de violences sexuelles. Il est vrai que les témoignages sont plus lus, grâce aux réseaux sociaux, mais cette parole n’est pas non plus nouvelle, on avait des récits de viols avant, littéraires ou non, des témoignages. A ton sens, et avec ta perspective d’historienne, doit-on parler d’une libération de la parole, ou plutôt de la naissance de l’écoute des victimes ?
Me Too, pour moi, a vraiment été une libération de la parole. On en parle tout le temps dans les médias. J’ai commencé mes recherches en 2016, et quand j’ai tapé « consentement féminin » sur Google, je suis tombée sur un article de Crêpe Georgette qui avait fait un article quelques années auparavant, mais c’était tout. Aujourd’hui, Google sort des centaines de sites qui en parlent. Il y a eu à la fois une libération de la parole militante sur ces questions et une libération de la parole des victimes, et ce grâce aux réseaux sociaux.
On décrit souvent le viol comme le seul crime où la victime a plus honte que l’aggresseur-se. C’est avec Me Too, peut-être, que la honte a été un peu moins grande ; mais pas pour tout le monde, il y a encore beaucoup de silence et de victimes qui se taisent. Pour autant, je trouve qu’il n’y a pas eu beaucoup de changement en termes de justice… Quand on voit que Darmanin est ministre de l’Intérieur, que Dupont-Moretti est ministre de la Justice, je vois plus une libération de la parole des victimes, qui manifestent, qui parlent de ce qui leur est arrivé et des traumatismes qui en résultent plutôt que de changements en termes de justice et d’instances politiques.
“On décrit souvent le viol comme le seul crime où la victime a plus honte que l’aggresseur-se. C’est avec Me Too, peut-être, que la honte a été un peu moins grande”
Tu expliques dans ton livre que l’honneur de la femme est associé à sa chasteté ou à son absence de rapports sexuels (sauf avec son mari), et pourtant, les hommes semblent avoir bien du mal à concevoir qu’une femme puisse refuser un acte sexuel, notamment en minimisant voire en niant l’hypothèse d’une résistance. Ça semble paradoxal, non ?
La figure sociale qu’est la femme doit rester chaste, pure, et les hommes ne conceptualisent le refus féminin que comme une volonté de sauvegarder leur honneur. Les femmes, de base, sont faibles : c’est la théorie des humeurs, selon laquelle les femmes sont froides et n’ont pas réussi à faire sortir leurs organes génitaux de leur corps, l’utéro-centrisme… de fil en aiguille, on se retrouve avec une figure qui doit rester chaste d’un point de vue social, et en même temps, son organisme ne lui permet pas de ne pas avoir envie de relations sexuelles.
La seule résistance qui peut être conceptualisée par les hommes, c’est une résistance par rapport à l’honneur, c’est pour cela qu’historiquement, il y a beaucoup de promesses de mariage avant les relations sexuelles, justement pour mettre à mal les dernières résistances féminines.
Pourquoi avoir choisi de traiter du consentement féminin et pas du consentement tout court ?
La première raison, qui est peut-être la plus contestable, est qu’il fallait choisir. De même, j’ai décidé d’aborder seulement la France, et donc une perspective occidentale, parce que de fait, j’ai travaillé deux ans sur le XVIIIème siècle en master, et j’aurais eu clairement assez de matière pour en faire une thèse…
Ensuite, le consentement masculin existe très peu dans l’histoire. Il a de l’importance dans l’Antiquité, parce qu’à cette époque, c’est surtout le statut social de la victime qui importe, plus que son genre. On porte préjudice à un bien de la société, le citoyen ou la citoyenne. C’est ce qu’explique Tacite (historien romain, 58-120 ap. JC), lorsqu’il dit que les crimes de guerre peuvent consister en des viols de citoyen-ne-s. Les hommes sont pris en compte comme possibles victimes.
Après, certainement avec l’arrivée du christianisme, les victimes de viols sont genrées : dans l’imaginaire collectif, les hommes sont forts, virils, et seules les femmes peuvent être violées. Dans la sexualité, on a aussi cette image de l’homme qui doit être actif, et la femme passive.
En outre, l’homosexualité étant réprimée et condamnée, si un homme est violé par un autre homme, le procès se transformerait probablement en procès contre l’homosexualité, appelée “sodomie” à l’époque, et la victime et son violeur seraient condamnés.
En 2005, encore, dans le Dictionnaire Culturel de Larousse, on lisait que l’adjectif consentant « ne se dit guère que des femmes ». On commence à parler de consentement masculin très tard, et même aujourd’hui, c’est encore un concept de niche.
Tu ne traites pas du tout dans ton livre de la question des violences sur les femmes transgenres, les femmes handicapées, alors qu’on a des chiffres sur ces violences là qui montrent que ces femmes sont beaucoup plus exposées aux violences, notamment sexuelles. Pourquoi ne pas en parler ? Est-ce par manque de données ?
On a très peu de sources : à l’époque moderne, la question de la transidentité n’est pas du tout conceptualisée, on la perçoit simplement à travers le travestissement. Sylvie Steinberg, une historienne moderniste, l’a un peu analysée. Cela concerne quelques grandes figures qui appartiennent à l’élite nobiliaire, mais c’est de manière générale très réprimé. On n’en parle pas avant le XXème siècle, ça n’existe pas dans les esprits.
Dans mes procès, dans mes sources, je n’ai jamais entendu parler des femmes handicapées. De fait, je pense que c’était tu. Etant donné, en plus, que les femmes handicapées ne devaient pas se marier mais rester dans la famille, il n’y avait pas l’idée de conserver un « bien intact » pour l’offrir à l’époux… Les affaires de violences sexuelles devaient se régler dans l’extra-judiciaire, par des arrangements entre familles.
Je pense malheureusement que cela fait partie de ces zones d’ombre de l’histoire.
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