Pourquoi je suis devenu féministe : Adelphité

Lancé en avril 2020, pendant le confinement en France, notre concours « Pourquoi je suis devenuE féministe » a remporté un beau succès, avec 35 participations. Voici l’une d’entre elles.

© Ezekiel

Je suis un transboy non-binaire, à l’expression de genre fluide, j’ai dix-huit ans, je suis blanc, valide, dyadique et mes parent-e-s ont reçu-e-s une culture bourgeoise. Je suis aussi neuroAtypique, probablement sur le sceptre autistique, hypersensible, transgenre, assigné meuf, précaire, gouine et affublé d’un trouble dépressif. Toute cette identité a mis du temps à se construire, et je suis encore en recherche de mots, de reconnaissance, de communauté, de légitimité. Comme mon identité, j’ai construit et continue de construire mon féminisme au gré des évènements qui me tombent dessus ou que je découvre logés au creux de moi. C’est un féminisme à étapes, une conviction progressive.

Ma famille m’a imposé plus ou moins consciemment une charge mentale et un immense care. Je suis celui qui a pris soin de tout le monde, qui a ménagé chacun.e, qui a arrondi les angles. On l’a souvent attribué à ma place d’aîné. Je sais aujourd’hui, parce que je suis féministe, qu’un-e assigné-e homme aurait fait ça différemment.

Peu à peu, j’ai découvert et accepté de m’approprier les notions de non-binarité, de non-hétérosexualité. Récemment j’ai découvert celle de comp-het. Je m’y suis reconnu, j’ai pleuré, et j’accepte encore. J’ai pris le temps de découvrir mon identité parce qu’autour de moi, sur instagram, à la pride, dans les assos, des femmes et personnes issues de minorités de genre m’ont tendu la main. J’ai conscientisé une agression sexuelle, conscientisé ma place de victime, conscientisé la nécessité d’apprendre à coller des baffes. Les féministes m’ont appris à mener deux combats internes parallèles : celui de conscientiser mes oppressions, d’apprendre à être fier d’être différent ; et celui d’être allié, d’apprendre constamment, de me taire quand je ne suis pas concerné. J’apprends des féminismes des travailleureuses du sexe, des hijabis, des non-valides, des femmes et personnes issues de minorités de genre qui vivent avec des troubles psychiatriques, et/ou des maladies chroniques, des sans-abries, des sans-papières, des addictes, des autistes, des intersexué-e-s, des grosses et de toutes ces oppressions que je ne vis pas.

J’ai dix-huit ans, et je suis fier de moi. Je suis en lutte, et le serais probablement toujours. Ma condition continuera longtemps de me coûter un bras en psychanalyse, comme dirait mon père. Je n’aurai jamais de place dans le rang du dyacishétéropatriarcat blanc et capitaliste. Mais je suis fier. Alors aujourd’hui, avec ce texte, je me demande, qui m’a offert tous ces outils d’analyse de ma propre oppression ? Qui m’en a mis d’autres dans les mains, des outils de lutte, de libération ? Les féministes. Irenevrose. Barbara Butch. Charlie She. Lexie, d’Aggressively Trans. Feministangst. Madam CJ Walker. Françoise Vergès. Phia Ménard. Virginie Despentes. Beverlux. Clara Luciana. Océan. Camille de Jemenbatsleclito. Princess Nokia. Ohmuuu. Virginia Woolf. Pomme. Céline Sciamma. Adèle Haënel. Habibitch. Charlie. Metauxlourds. Carolina, de La Carologie. Venus Liuzzo. Barbara Pravi. Little Simz. Peta Tait. Chilla. Mirion Malle. Emma. Joanna Hedva. Sara Socas. Pénélope Bagieu. Léa Bordier. Mara. Nadjélika. Mona Haydar. Et tant d’autres. Quand je me suis retrouvé tout perdu, quand ma famille n’avait plus les moyens de m’aider, quand je haïssais mon corps, ma transidentité, mes menstru, mon cerveau mal foutu, toutes ces personnes étaient là pour me rappeler que j’ai le droit d’être fier.

Alors si on me demande pourquoi je suis féministe, je réponds que c’est pour faire le même boulot immense que les féministes ont fait pour moi. Conscientiser, accompagner, soutenir, protéger, informer, représenter. Sortir des schémas. Survivre au dyacishétéropatriarcat blanc et capitaliste. Et que d’autres voient en moi, en nous, une issue.

Ezekiel

Palmarès du concours
Catégorie « formats originaux »
1 – Caillou dans la chaussure, Anouk
2 – Comme une évidence, d’Ebène
3 – Quelques riens, Csil

Catégorie « textes »
1 – L’histoire d’un cheminement, Susy Garette
2 – Rester en vie, Ju
3 – Paye ton neutre, Feuillue

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