Militantisme au travail et évolution des modes de lutte – Interview croisée de syndicalistes

À la fois acteur et outil des luttes, le syndicat joue un rôle important au travail, mais aussi plus largement dans notre société, pour soutenir la conquête des droits sociaux, notamment ceux des femmes travailleuses. Nous avons interrogé, dans une interview croisée, Julie Ferrua, secrétaire nationale de l’Union Syndicale Solidaires, ainsi que Delphine Colin, secrétaire nationale de l’Union Fédérale des Syndicats de l’État CGT et membre du collectif Femmes mixité de la CGT.

Manifestation contre le projet de réforme des retraites, en janvier 2020. ©Paule Bodilis

Quel rôle peut jouer le syndicat dans les luttes féministes ?

Delphine Colin (CGT) : Le syndicat s’occupe du champ du travail, mais aussi de la société de manière générale. À la CGT, nous sommes dans une démarche d’intégrer la dimension féministe dans toutes nos luttes. Cela peut être notamment la revalorisation de salaires des métiers à prédominance féminine, ou encore les violences sexistes et sexuelles au travail. Nous nous préoccupons aussi de la défense des services publics, qui sont des leviers d’égalité, par exemple sur le droit à l’avortement. La transformation de la société ne se fera pas sans révolution féministe. Le syndicat, c’est aussi un lieu où le collectif peut vivre, s’organiser pour construire des revendications et gagner des droits sur son lieu de travail. C’est un lieu où on rompt l’isolement pour agir ensemble. C’est un outil au service des travailleur-euse-s.

Julie Ferrua (Solidaires) : À Solidaires, nous sommes un syndicat de lutte et de transformation, nous avons un rôle sur le terrain auprès des salarié-e-s dans le cadre de leur travail, mais aussi en participant à des collectifs de lutte féministe. Nous avons un rôle de construction des luttes tout au long de l’année : nous fournissons parfois de l’aide matérielle par exemple. Nous menons aussi des formations sur les inégalités et les discriminations liées au genre, pour que les rapports changent au sein du syndicat, de l’entreprise, et à terme, dans la société.

Nous avons un rôle de prévention des risques, mais aussi de garantie des conditions de travail. Les délégués syndicaux font par exemple remonter au sein des CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) les faits de harcèlement sexuel ou d’ambiance sexiste. Nous accompagnons les victimes si elles le souhaitent et à leur rythme. Les syndicats sont aussi consultés lors de rapports de situation comparée par les employeurs, nous pointons alors du doigt les inégalités entre femmes et hommes.

Sur le lieu de travail, quelles luttes féministes et stratégies peut-on mettre en place ?

DC (CGT) : On peut demander l’ouverture de négociations sur la question de l’égalité professionnelle, ou encore agir pour accompagner les victimes de violences, de plus en plus de permanences et de formations se mettent en place pour outiller les militant-e-s et permettre également de mettre en place des mesures de prévention. Les modalités de lutte sont nombreuses : la grève, alerter la presse, organiser des rassemblements devant le lieu de travail pour essayer d’avoir le soutien de la population…
Souvent les mobilisations partent des conditions de travail, puis on constate un manque de reconnaissance. Par exemple, je suis travailleuse sociale dans la pénitentiaire et nous avons mené une lutte pour une revalorisation salariale. Le déclencheur a été une prime non attribuée à notre profession, fortement féminisée dans une administration très masculine. Toutes les étapes de notre mobilisation ont permis progressivement une conscientisation que notre lutte était féministe. Nous n’avons pas le droit de grève, mais nous avons utilisé d’autres outils pour visibiliser notre mouvement : banderoles dans les services, boycott de réunions ou de certaines missions, rassemblements, manifestations…

JF (Solidaires) : Sur le terrain, nous pouvons nous mobiliser, par exemple sur la question du harcèlement sexiste et sexuel, ou encore sur la reconnaissance de la pénibilité des métiers féminisés, comme les assistantes maternelles ou les aides-soignantes. La pénibilité aujourd’hui est essentiellement reconnue pour des métiers « d’hommes ». En luttant pour améliorer les conditions de travail des femmes, on avance pour leurs droits, mais aussi pour tou-te-s. Je me souviens par exemple d’une lutte montée par des femmes au sein de Sud PTT pour obtenir la baisse du poids des sacs de courrier, pour éviter de continuer à s’abîmer le dos : leur victoire a été bénéfique pour tout le monde.

Et quelles sont aujourd’hui les grandes batailles à mener ?

[note : interview réalisée en mars 2021]

DC (CGT) : Je vois deux grands axes de mobilisations à mener : revaloriser les salaires des professions à prédominance féminine, comme les aides à domicile, et gagner des droits sur la question des violences. Nous exigeons toujours un milliard d’euros pour les structures qui aident les victimes. Le gouvernement s’est engagé à ratifier une convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) mais ce n’est toujours pas fait [depuis l’écriture de cet article, paru dans notre revue papier n°3, c’est chose faite.]. Cette convention permettrait d’avoir plus de droits concernant les violences faites au travail, mais aussi de prendre en compte les violences conjugales avec de nouvelles mesures de protection : une protection contre le licenciement, une aide sur des frais de santé, obtenir des heures de sensibilisation et de formation sur les lieux de travail…

JF (Solidaires) : En Nouvelle-Zélande et aux Philippines, quand une femme est victime de violences conjugales, l’employeur peut lui donner des congés en plus pour s’éloigner du conjoint et entreprendre des démarches. Cela n’existe pas encore en France. Au sein de Solidaires on porte également des revendications nationales comme le congé parental du deuxième parent qui soit égal au congé maternité et obligatoire.

Y-a-t-il eu des progrès ces dernières années ?

DC (CGT) : Sur l’aide aux victimes, il y a eu une amélioration de la prise en compte des syndicats, même si cela a toujours été une de leurs missions, notamment avec les représentant-e-s dans les CHSCT [aujourd’hui supprimés dans le secteur privé, ndrl].

JF (Solidaires) : Au niveau local du CHSCT de mon hôpital à Toulouse, nous nous sommes battu-e-s pour mettre en place une commission contre le harcèlement sexiste et sexuel. Nous l’avons obtenue, mais la direction manque encore de formation et les résultats ne sont pas encore satisfaisants… Une nouveauté à signaler cependant : la mise en place d’un-e référent-e harcèlement sexuel au sein des entreprises de plus de 11 salarié-e-s qui ont un CSE (Comité social et économique) depuis 2019. On peut saluer aussi la reconnaissance du harcèlement d’ambiance depuis une jurisprudence de 2017 [La grande nouveauté de cette décision est de reconnaître que le harcèlement n’a plus besoin d’être dirigé explicitement contre une personne, ni même d’avoir comme but ou intention d’obtenir un acte sexuel]. Mais les luttes ne se gagnent pas seules, cela reste un travail de longue haleine pour renverser les rapports de domination des hommes sur les femmes. Avec la crise sanitaire, le confinement, le télétravail, il y a aujourd’hui une casse des collectifs de travail, alors que c’est pourtant primordial de se réunir, se retrouver en collectif de lutte.

Depuis quelques années, il y a l’envie de mobiliser les femmes pour faire grève le 8 mars, en quoi ce mode d’action est-il pertinent ?

JF (Solidaires) : Le mode d’action de grève a été choisi pour montrer que si les femmes s’arrêtent (au travail, les tâches domestiques…), c’est la société qui s’arrête. Cette année, cela a été encore plus compris : la pandémie a montré que les femmes – majoritairement dans les métiers du soin, ménage, commerce…– étaient à des postes essentiels ; mais aussi au sein de leurs familles, car même si elles travaillaient elles ont dû s’occuper de leurs enfants et de leurs parents. S’il y avait une vraie grève des femmes, les hommes seraient obligés de s’occuper de ce qu’elles font habituellement, cela bloquerait l’économie. Tant que nous serons dans une société capitaliste la grève restera un mode d’action pertinent.

DC (CGT) : Nous pensons que la grève est toujours un outil efficace, un outil moderne de lutte. Cette année encore plus que les autres, il était primordial d’afficher la volonté d’une grève féministe. Ce 8 mars 2021, il y a eu une forte détermination, une mobilisation au-delà de nos espérances : voir autant de personnes dans la rue mais aussi autant d’inventivité dans les modalités d’action…

Le mouvement « 15h40 » est-il complémentaire d’une grève féministe ?

DC (CGT) : Cette année beaucoup de femmes étaient en télétravail, donc on a adapté les modalités, avec le mot d’ordre de se déconnecter à 15h40, en affichant un bandeau l’annonçant. Ce mouvement est un outil complémentaire de la grève. Plusieurs secteurs ont utilisé cette modalité pour des actions de visibilité, comme par exemple des sages-femmes qui sont sorties de leur maternité à 15h40, de manière symbolique.

JF (Solidaires) : Je suis infirmière et le mouvement 15h40 dans ma profession ne parle absolument pas. J’entends le fait que dans certains secteurs cela permet de visibiliser l’écart salarial entre les femmes et les hommes, et qu’en partant à 15h40 du travail cela peut motiver des personnes à suivre. Mais je trouve que cela reste une mobilisation trop faible, qui ne touche pas les métiers extrêmement féminisés qui ont pour beaucoup des horaires atypiques : caissières, femmes de ménages, auxiliaires de vie, aides-soignantes, infirmières, éducatrices spécialisées, etc. Cela gomme aussi tout l’aspect d’une grève, et d’autant plus quand la grève féministe que l’on porte concerne bien au-delà du monde du travail.

Pourquoi est-ce si difficile de mobiliser les femmes pour une grève féministe ?

JF (Solidaires) : Je fais partie du collectif qui a voulu initier une grève des femmes pour le 8 mars à Toulouse, en 2012. Les syndicats ont ensuite rejoint ce mouvement progressivement, en 2014 pour Solidaires. Cela a été difficile de convaincre en interne, notamment car les hommes se disaient non-concernés par l’intitulé « grève des femmes », alors cela s’est transformé en « grève féministe ». C’est difficile à faire assimiler, même dans les syndicats de luttes, que la grève du 8 mars est une grève aussi importante que les autres, cela reste un travail de longue haleine. En France, mettre en place une grève reste compliqué, et encore plus pour les femmes, car elles représentent 78% des précaires.

DC (CGT) : Faire grève le 8 mars reste difficile, car les femmes sont plus précarisées, elles sont plus nombreuses à avoir des temps partiels, des petits salaires, certaines sont des mères isolées, c’est compliqué financièrement de faire grève.

Le mouvement #metoo a permis de faire émerger d’autres modes d’actions. Les syndicats ne devraient-ils pas lancer un #MetooEntreprise pour faire émerger une mobilisation nationale et non cantonnée à des secteurs particuliers ?

DC (CGT) : Il manque en effet un #metooTravail – pour inclure aussi les services publics notamment. Plusieurs initiatives ont déjà permis de visibiliser les violences dans certains secteurs ou grandes entreprises comme McDonald’s. Les réseaux sociaux permettent de visibiliser. Nous avions ainsi fait une campagne en 2016 avec le hashtag #viedemère pour relayer des témoignages de mères vivant des discriminations au travail.

JF (Solidaires) : Le mouvement #metoo a permis de prendre conscience qu’on n’était pas seules, de recréer du lien, des collectifs de lutte, des assemblées générales féministes… Une dynamique similaire à ce qui a existé dans les années 1970 lors de la lutte pour la contraception et le droit à l’avortement. Nous ne sommes pas seules, mais nombreuses, puissantes, fortes.

Avec #metoo, ce n’est pas la parole des femmes qui s’est libérée (elles ont toujours parlé), mais c’est l’écoute. Les témoignages ont eu lieu sur les réseaux sociaux, sont sortis du cadre de l’entreprise et l’écoute a commencé à changer. Parfois, se servir de la presse et des réseaux sociaux peut aussi permettre de gagner des luttes, comme pour les fresques sexistes qui ont été retirées à l’hôpital où je suis infirmière grâce à la pression médiatique et au pouvoir des réseaux sociaux. La mauvaise presse, un bad buzz, peuvent parfois faire plus peur aux employeurs qu’une action en justice.

La Barbe qui envahit les plateaux télé, les colleur-euse-s qui prennent la rue, les réseaux sociaux qui s’enflamment avec des hashtags… La lutte est-elle avant tout celle de l’espace, notamment médiatique ?

DC (CGT) : C’est important de se réapproprier l’espace, contre les violences. Le travail des colleur-euse-s est vraiment percutant, c’est impressionnant tous les endroits où on retrouve des collages. Cela ne laisse pas indifférent-e et peut amener à des débats, des prises de conscience…

L’utilisation du pouvoir médiatique n’est pas nouvelle, cela a toujours existé, les féministes ont toujours fait des actions coups de poing pour attirer l’attention. Depuis #Metoo on constate cependant que les médias s’intéressent plus aux féministes.

JF (Solidaires) : Les collages parlent à beaucoup de femmes. C’est un travail de visibilisation que les médias ne font pas. Ces collages apportent du soutien aux victimes. La réappropriation de la rue passe aussi par la force des batucadas ou encore les manifestations de nuit qui se déroulent en non-mixité.

La manifestation est-elle toujours un outil important ? Son format a-t-il évolué ?

DC (CGT) : La manifestation n’est pas passée de mode, cela reste un mode d’action qui permet de se motiver, donner la pêche, retrouver de l’espoir ensemble en défilant. Les féministes se renouvellent sans cesse, avec notamment des flashmobs, comme celle des Rosies, dont la première prestation a eu lieu pour le mouvement contre la réforme des retraites. Cela a eu un grand succès, avec plusieurs réappropriations.

JF (Solidaires) : Les manifestations féministes sont souvent plus revendicatives que des manifestations classiques. Il y a beaucoup de pancartes, de prises de paroles… Pour le 8 mars 2021, le trajet parisien a été réfléchi pour que des actions soient menées devant des endroits symboliques, comme le Palais de justice. Après une manifestation féministe je me sens forte, beaucoup de choses sont portées, partagées, on peut se retrouver dans le témoignage écrit d’une pancarte ou même dans un chant qui donne des frissons… On ne se sent plus seule.

Les Gilets jaunes ont-iels poussé les syndicats à revoir leur manière de militer ? Qu’a apporté ce mouvement ?

JF (Solidaires) : Les Gilets jaunes nous ont montré qu’on pouvait manifester le samedi et sans être en grève. La grève est un outil de lutte important, mais cela reste compliqué quand on est précaire. Certaines personnes sont étonnées qu’il y ait beaucoup de femmes Gilets jaunes, pourtant elles représentent la majorité des personnes précaires ! Des mouvements d’ampleur naissent grâce aux femmes et aux revendications qu’elles portent. Ce sont les femmes qui se sont mobilisées le 8 mars 1917, pour réclamer du pain, et il s’en est suivi la révolution russe. Elles ont aussi joué un rôle important pour la révolution française ou encore durant la Commune.

DC (CGT) : Les Gilets jaunes, cela a percuté et remis en cause le syndicalisme, car c’est une forme d’organisation en dehors des syndicats. Ce mouvement a permis aux syndicats de réfléchir à leurs modalités d’actions et de luttes, mais aussi aux convergences avec les mouvements citoyens. C’est intéressant de voir, lors des assemblées générales de femmes Gilets jaunes, qu’elles se sont réapproprié des modalités qu’on perd parfois : des choses simples comme réaliser des ateliers pour faire nos pancartes, construire nos revendications ensemble…

Que pensez-vous des nouveaux modes de lutte qui se développent grâce à Internet ?

JF (Solidaires) : Sur les réseaux sociaux, notamment Instagram, il y a beaucoup de collectifs féministes. Il y a aussi de plus en plus de podcasts féministes. Ce sont devenus de véritables outils de conscientisation et de visibilisation des luttes, mais aussi d’information, préférés à la presse mainstream et à la télévision… et ce n’est pas étonnant quand on voit que Libération a publié la lettre d’un violeur en Une le 8 mars 2021… Si on veut changer la société il faut se faire entendre et l’espace médiatique est suroccupé aujourd’hui par des hommes blancs cis de milieu aisé.

DC (CGT) : Les réseaux sociaux sont devenus un outil incontournable et complémentaire d’autres modalités comme la grève et la manifestation. Leur usage n’est pas simple, il faut trouver le bon hashtag, donner une image percutante, tout en étayant avec de l’analyse et des chiffres. Le travail qu’a fait le collectif NousToutes sur les chiffres des féminicides permet par exemple de donner plus de visibilité et de crédibilité à la lutte contre les violences faites aux femmes. À noter que militer sur les réseaux sociaux, c’est aussi s’exposer à des risques de cyberharcèlement, une nouvelle forme de violence sexiste et sexuelle.

Quels autres outils de lutte ont-ils leur pertinence aujourd’hui ?

DC (CGT) : Les modalités traditionnelles (assemblées générales, préparations de manifestations…) méritent d’être réinvesties. La distribution de tracts reste pertinente, même si on le fait moins cela permet d’aller au contact des autres, débattre. Cela n’empêche pas de réinventer ce mode d’action, comme NousToutes qui a imprimé le Violentomètre sur l’emballage de baguettes de pain, pour permettre la prise de conscience de violences au sein de couples. Nous utilisons aussi souvent des questionnaires anonymes, pour donner la parole, visibiliser mais aussi chiffrer les violences ou les inégalités à partir du vécu de concernées.

JF (Solidaires) : L’autoorganisation, avec des réunions non-mixtes, permet de construire des revendications entre personnes concernées. C’est quelque chose qui existait beaucoup dans les années 1970 et qui revient aujourd’hui. L’écriture inclusive est aussi un mode de lutte, certains se sentent agressés à cause d’un point médian… Le langage a un poids fort. L’arrachage des publicités sexistes, l’interpellation de politiques, les pétitions, les actions coups de poings… D’autres modes de lutte sont toujours d’actualité, comme le boycott, même s’il est surtout utilisé de manière internationale, comme avec le boycott des marques de textile qui exploitent les Ouïgour-e-s. Cette méthode a du poids, elle a déjà fait ses preuves après l’effondrement du Rana Plaza.

Les luttes féministes d’aujourd’hui sont parfois condamnées pour leur violence et/ou leur côté radical. L’Histoire a oublié la violence notamment des actions des suffragettes…

JF (Solidaires) : Beaucoup d’ouvrages rappellent aujourd’hui que les féministes d’aujourd’hui sont en effet plutôt « gentilles » : coller dans les rues ça va… On a oublié que les suffragettes britanniques fabriquaient des bombes, faisaient la grève de la faim… Pendant la Révolution française, les femmes revendiquaient les armes pour sortir de la tutelle des hommes. Ailleurs dans le monde, il y a les femmes zapatistes, les femmes kurdes, les Mexicaines qui manifestent au lance-flamme devant la police… À un moment donné, la radicalité s’impose face à un système de plus en plus oppressif et inégalitaire. Plus on crée d’inégalités et plus la réponse est à la hauteur de l’attaque.

DC (CGT) : Quand les féministes sont accusées d’être trop radicales, c’est souvent une manière de les décrédibiliser, de détourner l’attention du vrai problème. Les actions coups de poing sont complémentaires d’autres actions du quotidien.

Avez-vous des exemples de luttes « gagnantes » ces dernières années ? Des luttes sur lesquelles on pourrait prendre exemple ?

JF (Solidaires) : La reconnaissance du harcèlement d’ambiance, c’est une victoire. Des condamnations de personnalités comme Georges Tron, ou encore d’organisations comme La Manif pour tous… Au niveau national les victoires restent faibles, il y a eu le congé paternité allongé, mais cela reste au bon vouloir des entreprises.

DC (CGT) : L’allongement du congé paternité cela reste important, on doit continuer à faire bouger les lignes là-dessus, pour que le partage des tâches soit plus égalitaire. Il y a plein de luttes gagnantes sur certains lieux de travail (augmentation de salaires, création d’emploi, amélioration de conditions de travail…), mais elles n’ont pas forcément une grande visibilité.

Parfois, on peut être découragé-es-, en voyant que notre résistance aux réformes régressives ne paye pas assez, mais gagner des droits qui changent les vies de tou-te-s cela reste compliqué et il y a encore tout un travail de convergences des luttes à mener.

JF (Solidaires) : Une chose a changé ces dernières années : les femmes se revendiquent plus facilement féministes, il y a une fierté d’être féministe.

Rappelons que dans les centres urbains notamment, les métiers féminisés et dévalorisés du soin et de l’entretien sont majoritairement occupés par des femmes immigrées et/ou racisées. Leurs conditions de travail sont souvent très précaires et elles ont peu de moyens à leur disposition pour se mobiliser ou parfois même connaître leurs droits. La plupart d’entre elles ne peuvent pas se permettre de risquer de perdre leur emploi. Dans ce contexte, il est important de saluer la remarquable victoire des femmes de chambre de l’Ibis de Batignolles, après 22 mois de lutte dont 8 de grève, qui en mai 2021 ont obtenu notamment une revalorisation de salaire et une amélioration des conditions de travail. Espérons que ce succès inspirera d’autres groupes de femmes, mais aussi les syndicats, pour qu’ils s’intéressent davantage aux problématiques spécifiques à ces femmes. À noter également, que beaucoup de femmes, le plus souvent blanches et de classes moyennes ou bourgeoises, participent à l’exploitation de ces femmes immigrées dont le travail reproductif leur permet de mener des carrières dans des sphères productives plus valorisées.

Cet article a été publié dans le troisième numéro de notre revue papier féministe, publié en septembre 2021. Si vous souhaitez l’acheter, c’est encore possible ici.

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Journaliste, cette ourse adore écrire sur les thématiques qui lui tiennent à coeur : discriminations, santé, féminisme, luttes… De formation littéraire, c’est une droguée de lecture et d’écriture, mais aussi une militante féministe et politique à ses heures perdues (ou gagnées !). Cette ourse est une gourmande qui ne résiste jamais à un chocolat, ou à un pot de miel… Curieuse de tout, elle traîne ses pattes sur les réseaux sociaux à la recherche de la moindre info. Taquine, elle aime embêter les autres ourses. Elle est aussi connue pour ses grognements et son caractère persévérant. Elle ne lâche rien.

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