Commençons par quelques précisions d’usage. Je vais me concentrer sur la mode européenne, les autres pays étant moins documentés. En outre, s’il nous reste des vêtements de princes et princesses, nos connaissances se basent aussi beaucoup sur l’étude des enluminures et de la peinture.
Le Moyen Âge : une période pleine de préjugés
Sur ce, débutons notre étude par le Moyen Âge, qui s’étend du VIIIe au XIVe siècle. De nombreux préjugés sont à combattre sur cette période. En effet, jusqu’au XIIe siècle, contrairement à ce qui est dit généralement, les femmes n’étaient pas seulement des objets dont il fallait protéger la vertu avant tout. Les médias et les livres pseudo-historiques ont fait beaucoup de mal sur ce sujet. Les jeunes femmes de haute naissance, maintenues dans le secret du sexe et cantonnées aux travaux « féminins » étaient une exception, et non une généralité ! A tous les autres niveaux de la société, les femmes travaillaient autant que les hommes, ne se mariaient pas à peine pubères et les mariages d’amour n’étaient d’ailleurs pas rares. Surtout, elles ne portaient pas de corsets. Cet accessoire n’est arrivé qu’à la fin du XVe siècle – et sera jusqu’au XVIIIe réservé uniquement aux femmes de la haute société.
Le vêtement : un témoin historique
Observer les habitudes vestimentaires permet de mieux comprendre ces propos. En effet, du VIIIe au XIIe, les hommes comme les femmes portent des robes. Les sous-vêtements n’existent pas encore, et tou-t-e-s portent des robes de la même facture. Seules les couleurs et les longueurs varient selon les modes et les sexes. Cela s’explique de manière très simple : en Europe, on ne sait pas encore tisser le coton, qui n’a d’ailleurs pas encore été découvert. Les vêtements sont faits de lin ou de soie et tous selon la facture en toile – en d’autres termes, ils sont d’un tissage simple que vous pourriez comparer à celle d’un foulard. Les fantaisies ne sont donc pas encore permises, et les hommes comme les femmes sont logé-e-s à la même enseigne.
Une inégalité moins visible entre hommes et femmes
On considère souvent que le Moyen Âge est une époque sale, sans éducation et sans raffinement. Rien n’est plus faux. C’est une époque en effet peu enviable au niveau de l’hygiène, mais certains aspects de la société étaient alors plus enviables qu’à d’autres époques plus contemporaines. Les femmes et les hommes sont éga-les-ux sur certains points. Dans cette société où les enfants meurent beaucoup et tôt, il est nécessaire de travailler en commun – ainsi, une femme pouvait tout autant travailler dans les champs que dans un atelier d’enluminure, selon ses affinités. Travailler dans un atelier artistique devient réservé aux hommes quelques siècles plus tard. Le fait de porter des vêtements semblables me laisse à croire que cet effet « d’uniforme » ne pouvait avoir qu’un effet bénéfique sur la société. En effet, puisque tout le monde s’habille de la même manière, et que seuls les moyens permettent de faire varier la facture, il y a un début d’égalité de pensée qui s’instaure.

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Ainsi, lorsque à la fin XIIIe siècle, les religieux s’élèvent contre cette « féminisation » de la société, et que les hommes commencent à porter des culottes étroites (ressemblant à des collants), la hiérarchie des sexes commence à s’affirmer de manière beaucoup plus importante. Dans la haute société, on continue à porter la robe, mais uniquement lors des grandes processions – le fossé entre les femmes et les hommes commence à se définir à travers les habits, à se voir et donc à créer des différences de traitement.